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Bruno Pellegrino, le jeune auteur qui n'a peur de rien, surtout pas du succès

L'auteur Bruno Pellegrino.
Romain Guélat
Editions Zoé [Editions Zoé - Romain Guélat]
Livres: Bruno Pellegrino monte à Paris / Vertigo / 5 min. / le 28 juin 2019
Le Vaudois de 30 ans a reçu le 20 juin le prix François Mauriac de l'Académie française pour "Là-bas, août est un mois d'automne". Il vient de publier "Les mystères de la peur", un roman pour enfants commandé par la Joie de lire et l'Université de Lausanne.

C'est un jeune auteur de 30 ans couvert de prix. A 19 ans, déjà, Bruno Pellegrino recevait le Prix Latourette pour sa dissertation sur "Un amour de Swann" de Marcel Proust, jugée la meilleure du canton. Depuis, chacune de ses publications est honorée. Récemment, il a séduit les membres du jury du Prix François Mauriac de l'Académie française avec "Là-bas, août est un mois d'automne", un roman librement inspiré de la vie du poète vaudois Gustave Roud et de sa soeur Madeleine, deux êtres qui ont vécu en osmose toute leur vie.

>> A écouter, Bruno Pellegrino parle de son travail autour de Gustave Roud et de sa soeur :

Autoportrait de Gustave Roud. [Musée Eugène Burnand - Fonds BCU/Lausanne, C.-A. Subilia.]Musée Eugène Burnand - Fonds BCU/Lausanne, C.-A. Subilia.
Bruno Pellegrino s'invite chez le poète Gustave Roud / Six heures - Neuf heures, le samedi / 5 min. / le 10 février 2018

Dans la cour des grands

Le Vaudois est ainsi le premier écrivain suisse à recevoir cette distinction, décernée depuis 1995 et déjà attribuée à des auteurs tels que Calixthe Beyala, Catherine Vigourt, David Foenkinos, Eric Fottorino ou encore Yann Moix. "C'était inattendu pour moi parce que c'est un texte très personnel. Mais depuis sa sortie en janvier 2018 (Editions Zoé), il continue à entraîner des lecteurs", dit Bruno Pellegrino au micro de la RTS. Les lecteurs mais aussi les prix, puisque "Là-bas, août est un mois d'automne" a été récompensé du Prix des Libraires de Payot et de celui d'Alice Rivaz.

Si jeune et déjà tant primé, n'est-ce pas un handicap? "Non, c'est très agréable et cela aide à asseoir une légitimité littéraire", dit sans emphase le jeune auteur, aussi à l'aise dans l'écriture solo que dans l'écriture collective - il fait partie du groupe AJAR. Actuellement d'ailleurs, il travaille avec Aude Seigne et Daniel Vuataz sur la saison 2 de "Stand by" (Editions Zoé), dont le premier épisode sera publié par le site en ligne Heidi.news.

Un livre pour les enfants que les parents adorent

Sans préjugé, de genre ou de format, Bruno Pellegrino vient de signer un roman pour enfants intitulé "Les mystères de la peur", une commande de l'éditeur La Joie de Lire et de l'Université de Lausanne. Ce texte raconte l'histoire de Lou, une petite fille qui a deux papas mais qui surtout n'a peur de rien. Elle est intrépide pour une raison neurologique: dans son cerveau, l'amygdale chargée de donner l'alerte en cas de danger, est paresseuse. Ce qui la met souvent en danger. "Un livre drôle, bien enlevé et qui rend plus intelligent" d'après Marlène Métrailler, journaliste à la RTS.

Pourquoi plus intelligent? Parce que le scénario a été écrit sous la houlette de six professeurs de l'Université de Lausanne, spécialiste des émotions. Pas trop intimidant? "J'avais imaginé l'histoire avant de rencontrer les professeurs; je voulais que le discours scientifique soit subordonné à la fiction". Les dessins de Rémi Farnos, avec lequel l'auteur a travaillé en étroite collaboration, permettent d'introduire les éléments didactiques de manière ludique et légère. Résultat, un ouvrage de fiction documentaire que les parents prennent autant plaisir à lire que leurs enfants.

Si le thème générique était les émotions, Bruno Pellegrino a choisi de se focaliser sur la peur, celle qu'on subit autant que celle qu'on recherche. Il s'est inspiré de l'histoire vraie d'une Américaine d'une cinquantaine d'années, dont les fameuses amygdales ont été calcifiées. De fait, elle ne ressent pas la peur, ce qui l'a mise souvent dans des situations extravagantes. C'est un cas connu des scientifiques qui refusent de donner son nom pour lui éviter une série de déconvenues.

Eviter le ton bêtifiant

La difficulté pour Bruno Pellegrino, outre la série de contraintes scientifiques, était de trouver le ton juste pour s'adresser aux 8-12 ans. "Le premier jet était un peu "bêbête". Alors j'ai évacué cette question en revenant à mon style mais en laissant tomber les tirets, les parenthèses et les longues phrases pour quelque chose de plus court. J'ai l'impression d'avoir nettoyé mon écriture".

Pour mieux s'adresser à son public cible, il s'est également replongé dans les livres qu'il avait adorés enfant et qui lui donnaient le frisson.

J'ai d'abord relu la série "Chair de poule" qui a beaucoup vieilli; ensuite "Harry Potter" qui n'a pas pris une ride. C'est d'ailleurs la saga de J.K. Rowling, découverte à 11 ans, qui m'a donné envie d'écrire.

Bruno Pellegrino

La peur, émotion souvent méprisée, est pourtant nécessaire à la vie. Parce qu'elle nous avertit des dangers imminents; favorise l'adaptation; stimule les stratégies pour la confronter ou l'esquiver. Personnelle ou collective, elle génère nos réactions et nous définit. Certes, elle peut être paralysante, instumentalisée, phobique mais dans tous cas, "elle est pertinente", précise l'auteur qui dit avoir pris un immense plaisir à écrire ce roman dont la morale pourrait être celle-ci: "il y a toujours moins à craindre que ce qu'on pense".

L'auteur avoue néanmoins avoir ressenti une petite frustration. "J'aurais voulu rester plus longtemps sur ce texte. Je suis un obsédé de l'exhaustivité et j'aurais souhaité aborder encore d'autres thèmes. Par exemple, le rôle de la peur dans les religions".

Sujet traité par Marlène Métrailler

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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