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Avec "Notre monde", l'actrice Luàna Bajrami se fait cinéaste de la jeunesse kosovare

Rendez-vous culture : Julie Evard reçoit la comédienne et réalisatrice française Luana Bajrami
Rendez-vous culture : Julie Evard reçoit la comédienne et réalisatrice française Luana Bajrami / 12h45 / 7 min. / le 30 avril 2024
A 23 ans, l'actrice et réalisatrice française Luàna Bajrami signe déjà son deuxième long métrage. Dans "Notre monde", sorti le 1er mai, elle retourne au Kosovo, son pays d'origine, pour y capter l'errance d'une jeunesse livrée à elle-même.

Luàna Bajrami est né au Kosovo il y a 23 ans. Elle y a vécu jusqu'à l'âge de 7 ans, puis est arrivée en France où elle empoche un bac littéraire, mention très bien, avec un an d'avance. A 10 ans, elle joue au côté de Miou Miou dans un téléfilm. C'est là que débute sa passion pour les métiers du cinéma.

Depuis, Luàna Bajrami a tourné sous la direction des plus grands réalisateurs: Cédric Kahn ("Fête de famille"), Audrey Diwan ("L'événement", Lion d'or à Venise), Céline Sciamma ("Portrait de la jeune fille en feu"), film qui lui a valu une nomination comme meilleur espoir féminin aux César en 2019 et l'emmène sur les marches du Festival de Cannes.

On l'a vue aussi dans "Coupez!" de Michel Hazanavicius qui ouvrait le même Festival de Cannes trois ans plus tard. Sans oublier "Une année difficile" de Eric Toledano et Olivier Nakache - ces deux cinéastes étant désormais ses producteurs - ou encore le film du Neuchâtelois Fisnik Maxville ("The Land Within").

Luàna Bajrami est une jeune femme surdouée qui a aussi joué dans le premier film qu'elle signe, "La colline où rugissent les lionnes". Un long métrage réalisé à l'âge de 18 ans seulement et sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Une fiction qui nous emmène dans les rêves d'indépendance de trois ados du Kosovo. Un récit qu'elle poursuit aujourd’hui à travers "Notre monde", son deuxième film.

Les grandes espérances d'une jeunesse oubliée

Présenté à la Mostra de Venise hors compétition, "Notre monde" raconte les grandes espérances,
mais aussi les colères et frustrations d'une jeunesse oubliée. On est en 2007, le Kosovo subit encore les fantômes de la guerre et son indépendance n'est toujours pas reconnue, ni par l'Union européenne ni par l'ONU. Une période un peu méconnue.

On y suit deux cousines, Zoé et Volta, qui rêvent plus grand. Elles quittent leur village reculé et s'inscrivent en douce à l'université de Pristina. Entre absentéisme des profs et manque de perspectives, leur désenchantement est aussi grand que leur rêve. Et peu à peu, leurs choix les séparent.

"L'état d'attente, d'errance, me fascine"

Si "La colline où rugissent les lionnes" lui a été inspiré par un roman de Nicolas Mathieu intitulé "Leurs enfants après eux", "Notre monde" a pris forme grâce à des archives familiales sur VHS que Luàna Bajrami a découvertes durant le confinement puis continué à éplucher, indique-t-elle dans le 12h45 du 30 avril. "Cela a vite connecté avec mon désir de poursuivre l'exploration du sujet de la jeunesse au Kosovo, mais cette fois de manière plus universelle".

La période située entre la guerre et l'indépendance du Kosovo acquise en 2008 intéressait particulièrement la réalisatrice française: "Ce qui me fascine dans cette période, c'est l'état d'attente, d'errance, qui fait complètement écho au parcours de ces deux jeunes filles. Cela évoquait pour moi une double quête identitaire, en fait. Je suivais ces deux jeunes femmes qui cherchent leur voie, qui cherchent à s'émanciper au sein d'un pays dont tout le peuple cherche aussi à se définir".

Bien que film de fiction et non film documentaire, "Notre monde" réussit pourtant à la fois à libérer la parole tout en effectuant un salutaire travail de mémoire.

Propos recueillis par Julie Evard et Anne Laure Gannac

Adaptation web: olhor

"Notre monde" de Luana Bajrami, avec Albina Krasniqi, Elsa Mala, Aurora Ferati. A voir dans les salles romandes depuis le 1er mai 2024.

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