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"Spider-Man: Across the Spider-Verse", le cinéma d'animation à son sommet

Une image du film "Spider-Man: Across the Spider-Verse". [Sony Pictures Animation]
"Spider-Man: Across the Spider-Verse", le cinéma d'animation à son sommet / Vertigo / 7 min. / le 31 mai 2023
En 2018, l'épatant "Spider-Man: New Generation" dynamitait la figure de Peter Parker. Cette suite déploie toute l'inventivité graphique et narrative initiée par le premier volet pour un film d'animation prodigieux, spectaculaire et vertigineux.

Rapide rappel: dans "Spider-Man: New Generation", Miles Morales, un ado de Brooklyn fan de Spider-Man, reprenait le relais du superhéros après la mort de ce dernier, puis découvrait un Spider-Man alternatif dans un univers parallèle (communément appelé Multiverse). L'idée étant de revisiter la figure du personnage Marvel sous un angle inédit, multipliant les incarnations différentes de l'homme-araignée.

Le concept, très stimulant, est prolongé dans cette suite qui débute un an après les événements antérieurs. Gwen Stacy retrouve Miles Morales pour le convaincre de sauver tous les Spider-Men alternatifs menacés par un ennemi insaisissable: la Tache. Morales découvre alors l'existence d'une Spider-Societé, regroupant, entre autres, Spider-Woman, Spider-Punk, Spider-Man India, Spider T-Rex, Spider-Chat. Le groupe est dominé par Miguel O'Hara, le Spider-Man de 2099, qui fait comprendre à Morales que toutes les histoires de ces variantes de Spider-Man sont reliées entre elles par des motifs communs et récurrents.

Diversité, altérité, métissage

Toujours co-écrit et co-produit par le génial duo formé par Phil Lord et Chris Miller, "Spider-Man: Across the Spider-Verse" nous happe d'emblée dans un tourbillon graphique et narratif dont on sort titubant, quelque 2h16 plus tard. Avec une séquence spectaculaire au musée Guggenheim de New York, qui laisse apparaître quelques œuvres d'art contemporain, dont celles de Jeff Koons, le film affirme sans détour ses ambitions formelles et cinématographiques de plus en plus rares dans le système hollywoodien.

Empruntant autant au Pop art qu'au manga, au graffiti ou à l'estampe, jouant sur la 2D et la 3D, le résultat est un feu d'artifice esthétique qui laisse par moments bouche bée devant l'audace, la beauté et l'intensité sidérante du film. Et comme le motif fondamental de l'entreprise demeure le principe de variation, les animateurs s'en donnent à cœur joie pour moduler, transformer, modifier les innombrables couches visuelles que le récit mélange dans un immense patchwork où dominent la diversité, l’altérité, le métissage.

Une rupture iconoclaste?

"Spider-Man: Across the Spider-Verse" pourrait se contenter d'être une expression vertigineuse, ludique, intelligente du meilleur de l'animation contemporaine, en plus d'écraser à peu près tout ce que Marvel a entrepris avec les apparitions de Spider-Man au sein du MCU. Il va encore plus loin en posant au centre du récit un enjeu somme toute plus captivant que l'éternel "superhéros appelé à sauver l'humanité".

En gros, chaque histoire autonome des différentes variations de Spider-Man obéit aux mêmes schémas (la mort d'un oncle, la piqûre d'une araignée radioactive, etc.) et dès lors qu'une altération se produit dans l'une de ces histoires, elle est promise à se répliquer dans toutes les autres. Altération que Miles Morales voudrait empêcher, s'opposant au discours de Miguel O'Hara qui prétend que vouloir contrecarrer le destin équivaut à mettre en danger l'existence même de ces histoires.

La question, passionnante, se pose dès lors de savoir si Spider-Man (le héros, la franchise, les films) est condamné à sans cesse répéter des motifs, variés certes, mais immuables, ou peut-il prendre en charge sa propre histoire au risque de la rupture iconoclaste, comme le souhaite Miles Morales? La fin abrupte de "Spider-Man: Across the Spider-Verse", qui doit se conclure avec le troisième volet de la trilogie, "Spider-Man: Beyond the Spider-Verse" (prévu le 3 avril 2024 au cinéma), reste la seule frustration que procure ce sommet de cinéma d'animation.

Rafael Wolf/ld

"Spider-Man: Across the Spider-Verse", film d’animation de Kemp Powers, Joaquim Dos Santos et Justin K. Thompson (136’). A voir actuellement dans les salles romandes.

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