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Pour la cinéaste Coline Serreau, l'humour est une kalashnikov

La réalisatrice française Coline Serreau en plein tournage du film "Saint Jacques... La Mecque" en 2005. [TELEMA / FRANCE 2 CINEMA / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP]
L'invitée: Coline Serreau, invitée d'honneur au VIFFF / Vertigo / 22 min. / le 26 octobre 2021
Pour sa septième édition du 28 au 31 octobre, le Vevey International Funny Film Festival (VIFFF) reçoit Coline Serreau. Cinq de ses films y sont projetés tandis que la réalisatrice, scénariste et actrice, invitée d'honneur du festival, y donnera aussi une masterclass ce samedi.

On peut être à la fois drôle et engagée. Dialogues qui claquent, situations burlesques, paroles politiques fortes, ainsi se composent les films de Coline Serreau, témoignant que les sujets politiques ne sont pas incompatibles avec l'humour. Cinq de ses films sont au programme du Vevey International Funny Film Festival (VIFFF), dont les classiques "La crise" (1992) et "La belle verte" (1996).

"Je ne pensais pas que mon humour pouvait coller avec un festival uniquement consacré… à l’humour, explique Coline Serreau à la RTS. Leur ligne éditoriale est intelligente: ils ont compris que l’humour a du sens".

Des dialogues comme un miroir

C'est en écoutant les personnes autour d’elle dialoguer au quotidien que l’actrice et réalisatrice française puise l’inspiration: "J’entends leurs contradictions, leurs aberrations et leurs chagrins." Toujours d’un œil bienveillant, et sans se prendre au sérieux: "Je regarde les gens avec humanité. C’est à partir du non-jugement et de la compassion qu'on devient drôle. La parodie méchante ne m’a jamais vraiment attirée."

Je ne me suis jamais dit que j’allais faire des films humoristiques. C’est simplement ma façon de voir le monde, qui me désespère tellement qu'à force j’en ri.

Coline Serreau

Dans ses dialogues, Coline Serreau n’affirme rien mais place les spectateurs et spectatrices face à leurs propres contradictions. Un miroir parfois peu agréable, mais sauvé par l’humour, mené avec brio par des acteurs et actrices comme Patrick Timsit, François Morel et Marion Cotillard. "‘La crise’ était le second film de Patrick Timsit, et François Morel n’avait jamais tourné. ‘La belle verte’ était aussi le premier film de Marion Cotillard. Je ne suis pas très star-system, je fabrique des stars!", ajoute en riant la réalisatrice.

Un côté bien-pensant parfois critiqué

Elle le sait mais s'en moque, on lui reproche parfois de verser dans le cinéma bien-pensant. "Je n’écoute pas trop les critiques. Je travaille beaucoup, et le public est toujours là, parfois avec un peu de retard. Aujourd’hui, les ados s’emparent de ‘La belle verte’, c’est leur film culte. Il y a des millions de vues sur internet, et des traductions sauvages sur les réseaux sociaux!"

J’ai écrit le premier spectacle de Coluche avec lui. Pour faire passer les sujets controversés et difficiles, le comique est une kalashnikov!

Coline Serreau

La réalisatrice admet cependant le petit côté "gentil" de ses comédies: politiquement ni trop à gauche, ni trop à droite, ni trop au centre. Elle insiste cependant sur le fait que les blagues puissent porter un message fort: "Le politiquement correct, c’est ne rien dire qui puisse choquer – ne pas donner de sens, de polémique ou de contradiction à quelque chose. Je pense qu’un film doit à la fois être beau, rendre les gens heureux et questionner la société."

Une enfance dans les rires

L’enfance de Coline Serreau est atypique, entourée d’un père comédien et metteur en scène, et d’une mère écrivaine. "Mon père était très drôle sur scène. Ma mère avait aussi de l’humour. J’ai probablement hérité de cela. Petite, lorsque j’allais au tableau en classe, je ne faisais rien: j’étais debout, je regardais le professeur, et mes camarades étaient morts de rire! Je ne sais pas pourquoi, j’avais ce côté clown."

La jeune fille fréquente l’école de Beauvallon, qui fonctionne selon les principes de Jean Piaget et d’Edouard Claparède. L'établissement privilégie à la fois la liberté et l’enseignement, ce dernier fonctionnant selon les compétences et les envies des élèves. Les enfants sont encouragés à penser par eux-mêmes. "Cette école m’a appris à réfléchir et à résister à la pression de la majorité, en respectant mes valeurs. Il n’y avait pas de discrimination entre disciplines et une grande liberté."

Propos recueillis par Pierre Philippe Cadert

Adaptation web: ms

Le Very International Funny Film Festival (VIFFF) est à suivre du 28 au 31 octobre 2021 à Vevey. Rencontre avec Coline Serreau, le samedi 30 octobre 2021 à 16h au Cinéma Astor. Entrée gratuite, réservation obligatoire.

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