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"Les fleurs amères" ou les déboires d'une Chinoise à Paris

Une scène du film "Les Fleurs amères" de Olivier Meys avec Qi Xi. [Urban Distribution]
Cinéma: Olivier Meys filme une autre Chine dans "Les fleurs amères" / Vertigo / 5 min. / le 17 octobre 2019
Chronique sociale d’une émouvante justesse d'Olivier Meys, "Les fleurs amères" témoigne d'un aspect sciemment ignoré de l’immigration chinoise. Tourné en mandarin, le film aborde un sujet délicat en Chine: la prostitution clandestine. Actuellement sur les écrans romands.

C'est à la fois une chronique sociale sans concession sur ces expats chinois qui exploitent leurs semblables et un puissant portrait de femme qui se bat. "Les fleurs amères", d'Olivier Meys, commence en Chine.

Afin de leur assurer un avenir meilleur, Lina quitte son mari et son fils de 8 ans pour émigrer clandestinement à Paris. Son objectif, devenir nounou. Sur place, rien ne se passe comme prévu et elle se retrouve avec d'autres femmes chinoises à se prostituer pour subsister, cachant la vérité à ses proches.

C'est lors d'un séjour à Paris qu'Olivier Meys remarque ces femmes errant sur les trottoirs de la ville. Il comprend qu'elles n'appartiennent pas à la communauté chinoise de Paris. Il se documente sur leur situation et se lance dans cette fiction entièrement jouée en mandarin, une langue qu'il parle couramment puisqu'il y a vécu en Chine une quinzaine d'années.

Une belle approche des acteurs

Le réalisateur belge Olivier Meys vient du documentaire. "Les Fleurs amères" en porte la trace et en a la patine. Pourquoi alors avoir choisi la fiction? "Comme le sujet est tabou, j'aurais dû flouter les visages et centrer sur la parole et l'information. Je viens du documentaire dit du cinéma direct, une caméra qui bouge avec les protagonistes et plonge au coeur de l'action. Le sujet offrait l'opportunité d'entrer dans cette réalité par le biais de la fiction.

"Les Fleurs amères", son premier long métrage de fiction, est un film réaliste, dont la forme peut faire penser au cinéma des frères Dardenne. Comme les deux frangins, il sait filmer ses acteurs, souvent amateurs, avec justesse. Grâce à la comédienne Qi Xi - qu'on vient de voir dans "So Long, My Son" - le film réussit à capter l'émotion sans tomber dans le pathos ou le misérabilisme.

Vive le piratage

Olivier Meys dit qu'il a toujours été impressionné, quand il vivait en Chine, par la force et le sens du sacrifice des femmes.

Dans ce bouleversement vers la Chine moderne, ce sont les femmes qui ont tout encaissé. Les hommes sont gardiens de la tradition. On les couve tandis que les femmes doivent sortir de leur famille pour rejoindre celle de leur mari. Je voulais témoigner de leur sacrifice et rendre hommage à ces femmes dignes, qui se protègent entre elles. Elles n'apparaissent jamais comme des victimes qui pleurent sur elles-mêmes.

Olivier Meys, cinéaste.

"Les Fleurs amères" a été coproduit par la France, la Belgique, la Suisse et un partenaire privé chinois. Le film a été tourné en catimini. Olivier Meys n'a même pas demandé d'autorisation de tourner, il savait qu'on ne la lui donnerait pas. "Ce n'est pas tant le sujet de la prostitution qui est tabou mais le fait qu'un personnage, à un certain moment de sa vie, estime que son avenir passe par un projet migratoire à l'étranger. C'est en contradiction avec le rôle du gouvernement qui entend assurer le bonheur des Chinois en Chine", explique Olivier Meys.

Si "Les Fleurs amères" n'a pas bénéficié de l'autorisation de tourner, il n'a pas non plus le visa de censure, et donc ne sera jamais projeté en Chine. "Heureusement, le film a été piraté et a été vu par des millions de Chinois via un site de streaming" s'enthousiasme le réalisateur.

Propos recueillis par Rafael Wolf

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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