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Jeff Wall expose ses photos faussement réalistes à la Fondation Beyeler de Bâle

"Giardini/The Gardens", "Appunto/Complaint", "Disappunto/Denial" et "Diffida/Expulsion" de l'artiste canadien Jeff Wall exposés à la Fondation Beyeler à Riehen, Bâle, le 26 janvier 2024. [Keystone - Georgios Kefalas]
Jeff Wall, bâtisseur dʹimages. / Vertigo / 5 min. / le 8 avril 2024
La Fondation Beyeler à Bâle consacre une importante exposition à l’artiste canadien de renommée internationale Jeff Wall. La rétrospective réunit cinquante-cinq œuvres du fondateur de la "staged photography", la photographie mise en scène.

A 77 ans, l'artiste canadien Jeff Wall produit des images qui semblent issues du réel, bâties méticuleusement, prise de vue par prise de vue. Un procédé identique à celui d'un peintre qui construit touche par touche une illusion paraissant plus vraie que la réalité. 

La Fondation Beyeler, à Riehen près de Bâle, présente jusqu'au 21 avril cinquante-cinq photographies dans le cadre d'une grande rétrospective montée en étroite collaboration avec Jeff Wall lui-même. Au fil de onze salles, les visiteurs peuvent découvrir des images parfois distantes de vingt ans d’écart sous forme de tirages noir blanc ou de photos panoramiques remplies de détails. Elles sont souvent installées dans des caissons lumineux, afin que ce réel trafiqué irradie comme une enseigne lumineuse ou une scène de film apparaissant dans une salle obscure.

Plus de liberté artistique

Tôt dans sa carrière, Jeff Wall a souhaité se démarquer de la tradition photographique noir-blanc instaurée par des artistes comme Cartier-Bresson. Dès les années 1970, il considère le procédé qui consiste à prendre une photo au bon moment et au bon endroit comme trop réducteur et ne laissant pas suffisamment de liberté à l'artiste.

"En étudiant les grands maîtres de l'art du XVIe au XIXe siècle, il a compris qu'il pourrait réaliser des photographies de la même manière que Delacroix ou Manet ont peint un tableau, c'est-à-dire créer quelque chose ex nihilo", indique à l'émission Vertigo du 8 avril Martin Schwander, le curateur de l'exposition.

A l'époque, l'artiste canadien était fasciné par le cinéma et par la création de cette réalité virtuelle qui devient plausible auprès des spectateurs. "L'amalgame de la tradition picturale européenne et de la mise en scène cinématographique sont la base du travail de Jeff Wall et sont restés jusqu'à aujourd'hui l'axe central de son travail", reprend le conservateur.

Des images qui font réfléchir

Les images patiemment construites par l’artiste et photographe canadien, toutes différentes les unes des autres, sont véritablement frappantes pour les spectateurs. Chacune est à la fois un monde visuel, de références et de pensées. L'exposition est accessible à tout le monde, elle intrigue et provoque la réflexion, à l'image de la photographie intitulée "Le penseur".

Jeff Wall, "Le penseur", 1986. Diapositive dans caisson lumineux. [Jeff Wall]
Jeff Wall, "Le penseur", 1986. Diapositive dans caisson lumineux. [Jeff Wall]

On y voit de prime abord un homme pensif au regard perdu dans le lointain. Et soudain, la lecture de l’image bascule: un long poignard est planté dans le dos de l’homme. Une image possible uniquement dans le monde de Jeff Wall. Dans cette photo qui se suffit à elle-même, on retrouve aussi toutes sortes de références. La position de l’homme rappelle le penseur de Rodin, mais aussi un dessin de Dürer du XVIe siècle représentant un paysan assis, un glaive enfoncé dans le dos.

Fondateur de la "staged photography", la photographie mise en scène, Jeff Wall met parfois plus d'une année pour réaliser une oeuvre. Et "contrairement à certains de ses contemporains, il ne travaille pas avec des séries ou des images dédiées à un thème. C'est quelque chose qui ne l'a jamais intéressé", conclut Martin Schwander.

Sujet radio: Florence Grivel

Adaptation web: Melissa Härtel

Exposition Jeff Wall, Fondation Beyeler, Riehen (BS), jusqu’au 21 avril 2024.

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