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Mario del Curto, photographe en noir et vert qui plonge au coeur du vivant

Couverture du livre "Humanité végétale". [Actes Sud - Mario del Curto]
Humanité végétale, belles feuilles / Nectar / 10 min. / le 3 octobre 2019
L'artiste romand Mario del Curto publie ces jours chez Actes Sud "Humanité végétale", un tour du monde photographique au cœur du vivant.

Pourquoi y a-t-il de la terre sur la terre? Cette interrogation taraude Mario del Curto. Et cela depuis bien longtemps. Depuis qu’enfant, il glissait ses pas dans les sillons des labours campagnards.

Photographe épris du théâtre de la vie, happé par les vertiges de l’art brut, le Vaudois se livre depuis plus de dix ans à une quête singulière. "Une sorte d’exploration photographique en zigzags", comme il nous le souffle.

L'humain et le végétal

Des plaines arides du Tadjikistan aux luxuriances tropicales, des jardins fantastiques écossais aux cimetières japonais, des centaines de milliers de photographies jalonnent cette enquête au long cours. S’en dégage, mieux qu’une exploration des cinquante nuances de vert, un regard profond sur les influences réciproques de l’humain et du végétal.

Présenté une première fois lors des Rencontres photographiques d’Arles cet été, ce corpus fait aujourd’hui l’objet d’un somptueux et imposant ouvrage, "Humanité végétale", publié chez Actes Sud.

Divisé en sept chapitres, comme autant de rhizomes entrelacés, l’ouvrage explore la manière dont le végétal, dont découle toute vie sur terre, se voit domestiqué, malmené ou célébré par les élans contradictoires d’une humanité maladivement dominatrice.

Port de Singapour, 2014. [DR - Mario del Curto]
Port de Singapour, 2014. [DR - Mario del Curto]

Repenser notre rapport au vivant

Pour ce faire, Mario del Curto renverse la perspective d’un regard anthropocentré: "A force de mettre l’homme au centre de tout développement, on arrive à l’anthropocène. Toute la question de ce livre, c’est de mettre le vivant au centre."

Spectaculaires ou modestes, révélant le sublime logé au cœur d’une pomme de terre aussi bien que l’inventivité débridée des fleuristes péruviennes, ses clichés aux couleurs vives, par leur accumulation, aiguisent l’œil du spectateur qui voit la nature partout, avant d’y voir l’humain.

Et pour accompagner ce vertige optique, Mario del Curto commente, détaille son apprentissage au contact de penseurs aguerris. On y rencontre, dans des textes inédits, l’écologiste Vandana Shiva, le philosophe Emmanuele Coccia, la mycologue Katia Gindro ou le biologiste Edward E. Farmer.

Tous, au diapason du photographe, réaffirment la prééminence du végétal et l’urgence de repenser notre rapport au vivant. Pour qu’enfin le monde, dans sa prodigieuse diversité, accorde la place qui leur revient aux humanités végétales.

Nicolas Julliard/aq

"Humanité végétale", de Mario del Curto (Actes Sud, 490 pages).

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