Pourquoi on continue encore de jouer aux jeux de société?

A quoi ressemblera le jeu de société en 2040? "Extrêmement poussé et immersif", "sur l'écologie ou sur l'espace", "avec l'intelligence artificielle", voilà quelques pistes de réflexion de joueuses et joueurs venus à Ludesco en mars 2023.

A La Chaux-de-Fonds, plus de 7000 festivaliers et festivalières ont participé à la 14 édition du plus grand festival de jeux de société de Suisse. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), en Suisse 76% de la population joue aux jeux de société. C'est plus que le nombre de personne qui jouent aux jeux vidéo (55%).

Un business qui rapporte

Depuis une dizaine d'années, le jeu revient en force. C'est une alternative aux écrans. Et le Covid nous a fait ressortir notre vieux Trivial pursuit tout poussiéreux. Il y a un véritable business du jeu de société. Selon GfK, pour la première fois en 2020, le chiffre d'affaires du secteur a franchi la barre du demi-milliard de francs. Une hausse qui s'est confirmée en 2021 (560 millions de francs). À l'échelle globale, en 2023, le marché du jeu de société représenterait 12 milliards de dollars, selon le rapport Statista.

"Il y a plusieurs milliers de titres qui arrivent chaque année. L'industrie du jeu s'est encore renforcée avec le Covid", explique Thomas Junod, co-président de Ludesco. "On suit sur des blogs spécialisés, comme le site suisse Gus & Co. Il y a des influenceurs et des influenceuses du jeu de société comme Mathieu de "on-joue-tu?" qui a une chaîne YouTube et qui fait en plus des vidéos humoristiques autour du monde du jeu".

Des jeux made in Switzerland

En Suisse, on aime jouer et inventer. De nombreux jeux made in Switzerland ont ainsi  été créés: des jeux d'économie, de cuisine, de vaisselle et beaucoup de jeux pour en apprendre plus sur nos villes et cantons (jeu sur le Jura, Vaud, Genève…).

A Ludesco, les inventeurs et inventeuses des derniers jeux de société sont mis en avant. Par exemple, Samira et Sanela Kovacevic ont inventé le Grattophile. Participer à Ludesco leur permet de tester le prototype de leur jeu. "Ce qui nous intéresse, c'est de voir si les niveaux sont adaptés et si la variété des jeux est bien aussi", nous raconte la jeune entrepreneuse un peu stressée.

Dès 2600 avant J-C

Le jeu existe depuis presque aussi longtemps que l'humain. On jouait avant même de faire de la politique ou du sport. Platon disait même qu'"on peut en savoir plus sur quelqu'un en une heure de jeu qu'en une année de conversation".

Les premières traces de jeu remontent à 2600 avant J-C en Egypte avec le Senet. D'autres jeux sont également très anciens comme le GO chinois ou l'ancêtre des échecs, le chaturanga indien.

Le Monopoly le jeu le plus vendu 

Dans l'après-guerre avec la société des loisirs et les congés payés, le jeu devient populaire. En 1935, le Monopoly marque la naissance du jeu de société classique. Il reste le jeu le plus vendu en Suisse et dans le monde.

L'idée de jouer à spéculer revient à Elizabeth Magie. Dans le but de… dénoncer la pression mise sur les locataires (The Landlord's Game.) Aujourd'hui on retrouve le Monopoly sauce Lausanne, Fribourg ou Genève, mais il est loin, très loin de faire l'unanimité auprès des joueurs et joueuses de Ludesco. D'ailleurs le festival a banni le jeu de son catalogue. "Il est surcoté", nous explique un bénévole du festival, "ce n'est pas drôle", confie un autre joueur.

Après c'est une avalanche de jeux devenus culte: le Scrabble et le Cluedo (1949), le Mille Bornes (1954), Risk (1957). S'en suivent le développement de nouveautés comme les jeux d'ambiance ou encore les jeux de rôle, avec Donjons et Dragons en tête (1974). Des marques très présentes et revalorisées par la pop culture.

Quel avenir?

Quid de l'avenir du jeu de société? "Il est éclaté", pour le co-président de Ludesco. "C'est ce qui fait la richesse du jeu de société et l'intérêt d'un festival comme Ludesco". De son côté, une festivalière imagine qu'il y aura "de plus en plus de jeux, soit très compliqués, soit très simples". Pour son adversaire de jeux assis à la même table, il suppose que "ça ne sera jamais démodé".

Depuis toujours l'humain joue et il n'est pas près de s'arrêter. Que ce soit dans la vraie vie ou en virtuel, le jeu est une manière ludique, comme son nom l'indique, de faire société.

Hélène Joaquim/lan