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Vers plus de représentativité des acteurs noirs à l’écran?

Du dernier Pixar au plus gros succès Netflix du moment, la représentation des Noir-e-s sur les écrans a fait un bond en avant
Du dernier Pixar au plus gros succès Netflix du moment, la représentation des Noir-e-s sur les écrans a fait un bond en avant / 19h30 / 3 min. / le 29 janvier 2021
Dans le sillage du film "Black Panthers", la représentation des acteurs et actrices noires à l’écran suit une tendance croissante. Le succès des séries comme "Lupin" ou la "Chronique des Bridgerton" est révélateur d’un changement allant vers plus de diversité.

Du dernier Pixar "Soul" aux succès Netflix du moment comme la série "Lupin" ou "la Chronique des Bridgerton", le nombre de productions reflétant une plus grande diversité dans le casting des acteurs a augmenté ces dernières années.

Une tendance qui n’a rien d’un hasard selon le critique et journaliste cinéma Rafael Wolf, interrogé vendredi dans le 19h30:  "Le changement s’est notamment opéré après la polémique des Oscars en 2015, qui pointait la sous-représentation des personnes noires au sein des productions hollywoodiennes."

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Image et argent

L’augmentation de la diversité à l’écran peut être corrélée à deux objectifs de la logique hollywoodienne: l’image et l’argent. "Sur l’image, aucun producteur ou réalisateur ne veut être taxé aujourd’hui de raciste, donc les productions vont tout faire pour se diversifier et être plus vertueuses, explique le critique cinéma. Du côté des finances, il faut toucher tous les publics pour réussir à faire de l’argent. Et les producteurs se sont rendu compte que l’on touchait un public très large avec des héros afro-américains, comme en atteste le succès au box-office de films comme Black Panther ou Bad Boy III".

Et les normes ont évolué depuis la polémique. L’Académie des arts cinématographiques a présenté en septembre une charte sur les conditions qui prévaudront à partir de 2024 à la sélection des nommés pour les Oscars. Les candidats devront attester qu’ils ont fait des efforts de diversité dans le casting des acteurs et actrices. À défaut, ils devront montrer que leurs équipes techniques, de production ou de marketing présentent une certaine proportion de membres issus des minorités.

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"Il y a aussi un peu d’opportunisme de la part d’Hollywood: pour être rentable, il est désormais impossible de produire des films de "Blancs" qu’avec des acteurs blancs. Et il ne faut pas oublier que beaucoup de minorités sont encore sous-représentées, comme les communautés asiatiques ou latino-américaines", rajoute Rafael Wolf.

Casting daltonien

A titre d'exemple, "la Chronique des Bridgerton", véritable carton d’audience sur Netflix, plante son décor en 1813, à l'époque de la régence à Londres. La fiction propose une réécriture de l’Histoire en mettant en scène une reine Charlotte noire, régnant sur une Cour britannique métissée.

La diversité des acteurs repose sur le principe du "colorblind casting" ou casting daltonien: une méthode qui consiste à choisir les comédiens indifféremment de leur couleur de peau. Si ce principe permet une plus grande diversité à l’écran, il soulève aussi de nombreuses critiques: la couleur de peau peut-elle n'avoir aucune importance ?

"Outre les inexactitudes historiques, le casting daltonien peut être ambigu car il gomme les différences, les aspects de pouvoir et de domination. On a l’impression de vivre dans une société où le racisme est aboli, où nous sommes tous égaux", observe le comédien romand Cédric Djédjé.

Pour le chroniqueur cinéma David Lalande, la méthode est loin d’être suffisante pour arriver à plus de diversité dans le cinéma: "Ne pas voir les couleurs, c’est aussi ne pas voir les différences qui permettent de mieux connaître l’autre et de s’en enrichir. Dans le cas de Bridgerton, c’est un fantasme et une fiction qui ne reflètent en rien une réalité historique."

Et d'ajouter: "Au final, cela ne m’intéresse pas trop que des Noirs jouent des rôles de Blancs. En tant que personne noire, je veux voir plus de rôles principaux et des projets incarnés par des personnes de couleur. À mon sens, Black Panther ou la série Lupin sont des réussites."

L’exception Omar Sy

Si la diversité fait son chemin aux États-Unis, la tendance reste encore timide en Europe. Les rôles principaux incarnés par des acteurs et actrices noires font figure d’exception, à l’instar de la série française "Lupin". Omar Sy campe le rôle d’un fils d’immigré sénégalais, fasciné par le gentleman cambrioleur dont il imite les méthodes pour voler.

Avec 70 millions de vues sur Netflix, la fiction est l’une des productions qui fonctionnent le mieux à l'international. Et elle a même réussi à se hisser parmi les séries les plus regardées aux États-Unis.

"Omar Sy, c’est un peu la star d’exception, l’arbre qui cache la forêt… Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas eu d’acteurs noirs en France pendant des décennies", analyse Rafael Wolf. Le critique concède néanmoins que les choses bougent. "Des acteurs noirs comme Ahmed Sylla commencent à se faire une place dans le cinéma français. On peut aussi citer la comédie "Tout simplement noir", réalisé par Jean-Pascal Zadi en 2020".

Le film "Les Misérables", du réalisateur français d’origine malienne Ladj Ly, a également remporté quatre César en 2020, dont celui du meilleur film.

À l’époque de mouvements sociaux et politiques tel que "Black Lives Matter", la représentation des acteurs racisés semble être plus qu’une simple tendance. Netflix vient par ailleurs de se doter récemment d’un poste de responsable de l’inclusion et de la diversité de ses contenus.

Sarah Jelassi

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Quelques dates clés du cinéma afro-américain

C’est aux alentours des années 1910 qu’apparaissent les premiers "race film" : films produits et réalisés uniquement pour un public noir, avec des acteurs noirs.

L’émergence de films traitant frontalement de la question raciale s’articule à partir des années 50. En 1964, Sidney Poitier est le premier homme afro-américain à décrocher l’oscar du meilleur acteur, pour le film "Lilies on the Field".

Suite aux mouvements des droits civiques aux États-Unis, un courant culturel et social nommé "blackspotation" voit le jour dans les années 70. Avec des films cultes comme "Shaft", les productions issues de cette période revalorisent l'image des Afro-Américains en les présentant dans des rôles dignes et de premier plan et non plus seulement dans des rôles secondaires.

Les années 80 marquent l’apparition des premières superstars afro-américaines à l’écran, capables de toucher un public hétéroclite. On y retrouve des acteurs comme Eddie Murphy, Morgan Freeman, Denzel Washington ou Will Smith, qui ouvrent la voie à d’autres générations.