Détenteur d’une impressionnante filmographie, Yvan Butler fait cet automne l’objet d’une rétrospective au Geneva International Film Festival (GIFF), à la Cinémathèque et à la RTS. Un des moments-forts de cet événement est la projection de "La fille au violoncelle", une fiction de 1973, avec Michael Lonsdale et Jean-Luc Bideau, bijou du cinéma suisse injustement oublié. Portrait d'un réalisateur de la RTS à découvrir ou à redécouvrir.
Chapitre 1
Une rétrospective
Photographe de métier, passionné de voyages, amoureux des arts, Yvan Butler, aujourd'hui âgé de 93 ans, a connu plusieurs vies professionnelles et artistiques. Repéré par la jeune TSR au début des années 60, il va d’abord s'illustrer en tant que réalisateur de grands reportages. Après un premier film pour le cinéma, il se lancera dans une riche production de téléfilms.
Découvrez notre trailer de La fille au violoncelle.
Solitaire et inhibé, un chef de rayon d’une parfumerie voit son existence routinière chamboulée par sa rencontre avec une jeune femme libre et solaire.
Vous trouverez dans ce dossier des extraits de films et de documentaires dont la plupart des versions intégrales sont à découvrir au GIFF et à la Cinémathèque.
Chapitre 2
Les débuts
Archives personnelles Yvan Butler
Yvan Butler nait à Genève en 1930. Passionné de cinéma et de photographie, il suit durant un an les cours de l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) à Paris avant de décrocher un diplôme à l’école de photographie de Vevey.
Rencontre avec Fernand Gigon
Installé à Genève, Yvan Butler ouvre un studio de photographie, orienté vers la mode et la publicité. Il croise alors sur son chemin Fernand Gigon, journaliste de renom. Une rencontre déterminante: amoureux du cinéma, spécialiste de la Chine, Gigon l’encourage à s’ouvrir sur le monde et lui donne des conseils pour devenir photographe reporter.
Yvan Butler liquide son fonds de commerce et travaille désormais comme photographe indépendant. Il effectue plusieurs tours du monde en quelques années et s’initie progressivement à la manipulation de la caméra.
Au début des années 60, Butler réalise son premier documentaire consacré à la guerre au Yémen. Il le vend en France, au Canada, en Italie et en Allemagne. En 1964, la Télévision suisse romande s’y intéresse et découvre celui qui en est l'auteur.
Chapitre 3
Sur le terrain
Archives personnelles Yvan Butler
Le directeur de la TSR René Schenker propose alors à Yvan Butler un poste de réalisateur. Celui-ci hésite, car il se considère avant tout comme un cameraman. Finalement il accepte, mais devra faire ses preuves en commençant par des réalisations modestes pour différentes émissions. Dès 1966, il rejoint la production de l’émission de reportages Continents sans visa, qui passe le relais en 1969 à Temps présent. Son compagnonnage avec Temps présent durera jusqu’en 1995.
Grand connaisseur du Sud-Est asiatique, Yvan Butler fera de nombreux voyages au Vietnam, au Cambodge ou dans le sous-continent indien. Il ramènera de ces pays en guerre ou en proie à la misère des reportages, dont certains furent récompensés par le Prix Italia et le Prix des télévisions francophones.
A leurs risques et périls (1975)
Yvan Butler et son équipe ont suivi Bernard Ullmann, reporter de guerre français couvrant le conflit au Cambodge.
Cambodge, un peuple à l'agonie (1979)
Fuyant les combats entre l'armée et les Khmers rouges, des réfugiés cambodgiens, épuisés et affamés affluent à la frontière avec la Thaïlande.
Chapitre 4
Côté culture
En parallèle à ses reportages à l’étranger, Yvan Butler réalise des documentaires pour des émissions comme Actualité artistique, traitant de peinture et d’arts plastiques, un domaine qui le passionne. Il œuvre également comme réalisateur et producteur à Champ libre, uneémission culturelle volontiers expérimentale que la TSR diffusera entre 1965 et 1968. Pour Champ libre, il réalise un portrait remarqué de l’artiste surréaliste Leonor Fini, film d’un grande liberté formelle (Prix suisse de télévision 1967).
Portrait de Michel Simon (1967)
Le comédien genevois ouvre les portes à une équipe de la TSR menée par Yvan Butler de sa maison de Noisy-le-Grand près de Paris.
Massacralasiné (1969)
Portrait de Maurice Sinet, alias Siné. Ses dessins antimilitaristes et anticléricaux lui ont valu le veto de certains quotidiens français.
Chapitre 5
Cinéma: La fille au violoncelle
Cinémathèque Suisse
Un autre univers attire Yvan Butler: celui la fiction. Il faut dire aussi qu’au fil des ans, le réalisateur supporte de moins en moins la dureté des terrains qu’il couvre. Le globe-trotter est éprouvé. Ses demandes de réorientation sont d'abord refusées par la TSR. C’est donc en indépendant qu'Yvan Butler fera sa première expérience de fiction. En 1973, il réalise pour le cinéma La fille au violoncelle.
Pour la TSR, une équipe de Plateau libre s'invite sur le tournage dans les Rues-Basses de Genève. On voit le réalisateur à l'oeuvre, puis à l'interview pour évoquer les thèmes de son film.
C'est la solitude d'un gars qui se trouve environné d'un milieu qui lui est aussi différent que les Indiens d'Amazonie.
Le film est un succès en France. Il comptabilise près de 100'000 entrées et bénéficie d'une excellente critique. Peu de temps après, les producteurs principaux font faillite. Le film est mis sous séquestre et sa distribution est interrompue durant deux ans. C’est sans grand soutien promotionnel et de maigres réseaux de distribution que le film est finalement présenté en Suisse, dans un quasi anonymat. Cette mésaventure porte un coup rude au réalisateur. La fille au violoncelle fera cependant céder Maurice Huelin, le responsable fiction de la TSR, qui lui ouvre ses portes.
Chapitre 6
Les dramatiques
Archives personnelles Yvan Butler
Yvan Butler s’essaie d’abord à la dramatique. Sa première création, Le champ de colza, est diffusée en 1975.
Dans un manoir baroque et inquiétant, deux frères aux moeurs étranges sont en train de passer à table quand arrive une mystérieuse visiteuse.
Pour sa deuxième dramatique, un an plus tard, Butler travaille avec l’écrivain et dramaturge genevois Michel Viala. Ensemble, ils écrivent l’adaptation de la pièce Le bunker.
Aux obsèques d'Arthur C. Crondon, le doute déjà s'installe: l'homme d'affaires fasciné par Hitler est-il mort d'une crise cardiaque, s'est-il suicidé ou l'a-t-on tué?
Chapitre 7
Années 80: les téléfilms
Archives personnelles Yvan Butler
En 1981, Yvan Butler réalise son premier téléfilm, La meute, dont il écrit le scénario avec Michel Croce-Spinelli. Tourné dans le Jura, La meute raconte l’histoire d’un jeune homme secret et marginal, qui devient le bouc émissaire d’une communauté rurale, malgré le soutien du vétérinaire (Jean-Luc Bideau) et de la serveuse du café du village (Dominique Laffin).
En octobre 1981, une équipe d'Un jour une heure rendait visite à Yvan Butler et à son équipe sur le tournage de La meute. Techniciens, comédiens et réalisateur oeuvrent dans une ambiance à la fois concentrée et détendue.
Un an plus tard, il tourne La Chambre, d’après un scénario de Rodolphe-Maurice Arlaud, dystopie évoquant la descente aux enfers d’un scientifique (Yves Beneyton) victime de ses propres expérimentations de laboratoire.
En 1985, avec L’enfant bleu, Butler relate les déchirements d’un couple confronté à la maladie grave de leur enfant. Entre un père fuyant dans le travail (Jean-Luc Bideau) et une mère entre panique et mensonge (Dominique Labourier), le jeune Guillaume (Hervé Rey) prend peu à peu conscience de son état et fait preuve d’une clairvoyance et d'un courage dont ne sont pas capables ses parents.
Dans son téléfilm suivant, Le cimetière des durs, Yvan Butler change totalement de registre. Inspiré par un roman de Francis Ryck et diffusé en décembre 1986, Le cimetière des durs nous plonge dans une ambiance de série noire. Il y est question de trafic de diamants et de règlements de compte entre chefs de bande et petits voyous. Avec Jérôme Anger, Marianne Basler, Jean-Pierre Kalfon, Roger Jendly, Claude-Inga Barbey.
La décennie des années 80 sera une des plus riches d’Yvan Butler. La meute et son esprit libertaire seront récompensés par le Prix Kammans 1981 et le prix annuel de la Communauté des Télévisions francophones. La réalisation aussi sobre que glaçante de La chambre vaudra à Butler le Prix de la critique internationale au Festival de Monte-Carlo, tandis que L’enfant bleu recevra le Prix du meilleur scénario au Festival du Cinéma féminin à Digne.
Chapitre 8
Les années 90
Archives privées d'Yvan Butler
Dans les années 90, Yvan Butler réalisera plusieurs épisodes de séries produites par la TSR comme Navarro(avec Roger Hanin) ou Julie Lescaut.
En 1995, il tourne Farinet, héros et hors-la-loi. l'année suivante, le téléfilm est projeté en avant-première à Sion. L'occasion pour Yvan Butler d'évoquer sa réaction à la lecture du scénario de Denis Rabaglia.
J'ai accepté tout de suite le scénario, parce que c'était un Farinet d'une modernité extraordinaire.
En 1998, il adapte dans un téléfilm éponyme le roman D’or et d’oubli, d’Anne Cuneo, qui évoque la problématique des fonds juifs en déshérence.
De retour dans son Valais natal, Farinet (Stéphane Freiss) se lance dans la fabrication de fausse monnaie pour rembourser les dettes de son père (Maurice Aufair) et aider les villageois.
Une enquêtrice sous couverture (Anne Richard) tente de venir en aide à un Juif allemand qui essaie de récupérer l’argent placé en Suisse par son père avant la Deuxième Guerre mondiale.
Chapitre 9
Newsman
Archives personnelles Yvan Butler
En 2000, Yvan Butler réalise un projet qui lui tient particulièrement à cœur: intégrer dans une fiction ses propres expériences et souvenirs des terrains de guerre. Pour l’écrire, il retrouve son complice Michel Croce-Spinelli.
De ce travail à quatre mains naîtra le scénario de Newsman, histoire d’un journaliste (Jacques Roman) croisant dans un camp de réfugiés africain un vieux médecin désabusé et alcoolique (Roger Jendly), à qui il fera la promesse de retrouver une femme aimée.
Film testament, Newsman est la dernière réalisation d'Yvan Butler. S'il abandonne la caméra, le réalisateur à la retraite consacre désormais du temps à l'écriture. Un recueil de ses souvenirs va prochainement être publié.