Bonjour Johan,
Là vous posez une question bien difficile, car en plus de considérations d'ordre technique, on aurait besoin d'une boule de cristal. Au lieu de chercher à deviner ce que sera l'avenir, un regard vers le passé pourrait peut-être nous suggérer quelques pistes de réflexion.
Avant l'ère industrielle, on disposait de la force humaine, de la force des animaux et de la force des éléments comme l'eau ou le vent. Puis l'invention de la machine à vapeur a tout chamboulé. À ses débuts, cette nouvelle technologie était limitée par sa disponibilité, car les premières machines étaient fabriquées à la pièce. Ensuite on a commencé à les produire en série pour les mettre sur roues (avec l'apparition du train), dans des bateaux et dans des usines; la machine à vapeur s'est répandue et a permis de révolutionner les transports et la production. On considérait alors qu'on avait une énergie plus propre (par rapport à l'utilisation de chevaux) et en quantité quasi illimitée.
La machine à vapeur n'a pas réussi à s'imposer dans les voitures, et une nouvelle technologie l'a supplantée: le moteur Otto et le moteur Diesel, qui ont été un succès en permettant de nouvelles applications, comme la propulsion de sous-marins. À nouveau, on pensait avoir une énergie plus propre (par rapport au charbon) et en quantité quasi illimitée.
Pendant le premier choc pétrolier, les pays industrialisés se sont mis à chercher une alternative au pétrole qui venait de pays pas toujours amicaux et pas toujours démocratiques. Le nucléaire civil existait déjà depuis une vingtaine d'années et cette filière a été perfectionnée pour entrer dans le système énergétique des pays développés. Ce serait une énergie plus propre (par rapport au pétrole) et en quantité quasi illimitée.
Les premières machines à vapeur ont pu être réalisées grâce à des forgerons, les moteurs à essence ou diesel par des mécaniciens bien outillés, les réacteurs nucléaires par des États ou de grands groupes industriels, car la complexité était bien plus grande et les difficultés techniques nombreuses. Les petits réacteurs à fusion expérimentaux sont à la portée d'une institution académique, comme l'EPFL, mais ces prototypes sont juste une démonstration du principe théorique. Pour avoir une application pratique, il faudrait construire une installation industrielle capable de produire plus d'énergie qu'elle n'en consomme. C'est le but du projet ITER, un des plus grands projets industriels de tous les temps, dont les coûts sont supportés par un consortium de pays (pour plus de détails, voir www.iter.org).
La première installation devrait être achevée et mise en fonction d'ici quelques années. Il y a beaucoup de questions déjà résolues, mais le projet peut rencontrer des problèmes majeurs, comme c'est le cas maintenant avec la qualité des soudures dans certaines pièces de l'installation. D'ici la fin des travaux, peut-être que la recherche fondamentale aura permis de surmonter certains obstacles. Disposer par exemple de supraconducteurs à température ambiante serait une révolution pour la production et la transmission de l'électricité. Après le premier réacteur à fusion, d'autres installations plus efficientes devraient suivre. D'ici 50 ou 100 ans, à nouveau, on devrait avoir une source d'énergie plus propre et en quantité quasi illimitée.
Comme vous l'avez compris en lisant ce qui précède, la réponse à votre question dépend de la définition qu'on donne de ce qui est "propre" et "en quantité quasi illimitée". Par rapport à l'état actuel, le jour où l'on maîtrisera la fusion nucléaire pour produire de l'électricité on aura une énorme quantité d'énergie à disposition. Peut-être nous permettra-t-elle de sauver la planète.
Par le passé, on a vu que seulement une partie de l'énergie nouvellement disponible a été consacrée à l'augmentation de la productivité. Le reste a principalement servi à augmenter notre confort et créer de nouveaux besoins qui n'existaient pas auparavant, car il était impossible de les satisfaire ou alors cela aurait été trop coûteux. Et une partie a tout simplement été gaspillée. Dans deux ou trois siècles, il y aura peut-être une nouvelle technologie qui permettra d'avoir une énergie "plus propre et en quantité quasi illimitée", énergie qu'on utilisera pour aller passer un week-end sur Mars, ou faire d'autres choses tout aussi utiles, comme lorsque de nos jours on prend l'avion avec une compagnie low-cost pour aller boire des bières à Londres.
Ou alors peut-être que l'humanité prendra conscience de ce qui est utile et de ce qui est futile, et qu'on reviendra vers l'utilisation des forces de la nature, en remplaçant des besoins qui nécessitent de plus en plus d'énergie par la recherche du bien-être issu de l'harmonie avec la nature et l'environnement.