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Graphcast va-t-il révolutionner le monde de la prévision ?

L'intellience artifielle ouvre de nouvelles voies dans le domaine de la prévision. [Nasa/Wikipedia]
L'intellience artifielle ouvre de nouvelles voies dans le domaine de la prévision. - [Nasa/Wikipedia]
Deepmind vient de dévoiler GraphCast, un nouveau modèle basé sur l’intelligence artificielle et capable de fournir des prévisions météorologiques particulièrement précises sur 10 jours. Il peut même anticiper les évènements extrêmes comme les tempêtes et les ouragans. Selon une étude récemment publiée dans la revue Science, il est encore plus précis que le modèles européen ECMWF, qui fait office de référence.

Les systèmes de calculs, utilisés par la plupart des grands centres de prévisions, s’appuient sur des méthodes de Prévisions Numériques du Temps (PNT). Ces dernières exploitent un ensemble complexe d’équations converties en algorithmes pour calculer l’évolution des conditions atmosphériques à partir d’un état initial.

L’état initial, qui sert de base au calcul, contient plus de 2 millions de données sous forme de mesures au sol, de radiosondages ou d’observations satellites. Le calcul lui-même nécessite l’emploi des supercalculateurs, comme celui du centre européen à Bologne (ECMWF) qui utilise plus d'un million de processeurs, répartis sur 4 clusters, avec une puissance de 30 pétaflops (30 millions de milliards de calculs par seconde).  A titre de comparaison, un PC de bureau moyen dispose de 2 ou 4 processeurs…

Méthode basée sur deep learning

Dans un article publié il y a quelques jours dans la revue Science, les chercheurs de DeepMind expliquent avoir développé GraphCast en utilisant 39 ans (1979-2017) de données historiques provenant de l'archive de réanalyse ERA5 du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF).

La prévision météorologique basée sur l'apprentissage automatique utilise la méthode du «machine learning», qui apprend à raisonner à partir des données fournies plutôt que de s’appuyer sur des équations physiques.

GraphCast prend comme entrée les deux états météorologiques les plus récents de la Terre - l'heure actuelle et six heures plus tôt – pour prévoir l’évolution des conditions atmosphériques jusqu’à 10 jours. Sa résolution spatiale est de 0,25°, ce qui correspond à une résolution d'environ 28 × 28 km à l'équateur.

Au niveau de son architecture, le système représente l’atmosphère par un ensemble complexe d’isocaèdres (solide à 20 faces, avec 12 sommets et 30 arrêtes), dans lequel les données sont introduites (ici-dessous).

La grille de représentation de l'atmosphère du système GraphCast repose sur une architecture composée de polyèdres à 20 faces. [Science/NASA]
La grille de représentation de l'atmosphère du système GraphCast repose sur une architecture composée de polyèdres à 20 faces. [Science/NASA]

Le résultat est sans appel : GraphCast se distingue par sa rapidité, produisant jusqu'à dix jours de prévisions en moins d'une minute sur un simple ordinateur, éliminant ainsi le besoin de serveurs énergivores. Selon une étude de Google, GraphCast surpasse le Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF) dans plus de 90 % des cas. Il a même prédit avec précision l'arrivée de l'ouragan Lee en Nouvelle-Écosse neuf jours à l'avance, contre six jours pour les modèles traditionnels.

Comparaison des scores entre le modèle européen HRES et GraphCast. [Science/NASA]
Comparaison des scores entre le modèle européen HRES et GraphCast. [Science/NASA]

Les chercheurs de Deep Mind ont également comparé les performances de GraphCast à celles du principal modèle météorologique concurrent basé sur l’apprentissage automatique, Pangu-Weather, et ont constaté que GraphCast le surpassait sur 99,2 % des cas.

Des inconvénients malgré tout

Graphcast a de nombreuses qualités mais il ne gère pas les incertitudes, comme le font les modèles du Centre par le biais des prévisions dites d'ensemble (pour en savoir plus, cliquez sur ce lien)

Serge Gratton, directeur scientifique de l'Institut interdisciplinaire d'intelligence artificielle de Toulouse interrogé par Le Parisien, souligne également le risque de négliger la compréhension physique des phénomènes météorologiques. Il estime qu'abandonner complètement les modèles traditionnels peut être dangereux, en particulier face à des situations météorologiques critiques mal prévues.

Jacques Ambuhl, ancien Chef de la recherche chez Météosuisse abonde dans ce sens : « L’intelligence artificielle est une ressource très attractive mais elle revient à laisser aux informaticiens la faculté de résoudre des questions qui sont du ressort des autres disciplines. Cela n’est pas acceptable d’un point de vue éthique ».

 « GraphCast ne doit pas être considéré comme un substitut aux méthodes traditionnelles de prévision météorologique, qui ont été développées depuis des décennies, rigoureusement testées dans de nombreux contextes du monde réel et offrent de nombreuses fonctionnalités que nous n'avons pas encore explorées », expliquent de fait les auteurs de la recherche. « Notre travail devrait plutôt être interprété comme une preuve que GraphCast est capable de relever les défis des problèmes de prévision du monde réel et a le potentiel de compléter et d'améliorer les meilleures méthodes actuelles ».

Avis aux amateurs,  les prévisions issues du système GraphCast sont disponibles sur le site du Centre Européen en cliquant sur ce lien.

Philippe Jeanneret

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