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Climat : la fin d’un mythe sur le cycle de l'eau

Cycle naturel de l'eau [Wikimedia - Astrid Parchet]
Cycle de l'eau - [Wikimedia - Astrid Parchet]
Contrairement à une idée largement répandue, le cycle de l'eau n’est pas un système purement naturel. Une étude récemment publiée dans la revue Nature montre que les activités humaines prennent largement le dessus. La proportion atteint 90% et plus dans certaines régions du globe.

On avait tendance à considérer le cycle de l'eau comme un système purement naturel, reposant sur les mécanismes de pluies et de fonte des neiges qui se déversent dans les rivières puis dans l'océan, où l'évaporation recommence le cycle (voir illustration ci-dessus).

Mais de récents travaux menés par une équipe de l’Université de Stanford montrent qu'en réalité la majorité de la variabilité saisonnière du stockage des eaux de surface sur Terre est conditionné par les activités humaines:

Les auteurs de l'étude ont démontré que si les lacs et les étangs naturels varient en moyenne de 0,22 mètre selon les saisons, les réservoirs gérés par l'homme varient de 0,86 mètre. Si l'on fait la synthèse deux, la part humaine représente 57 % de la variation totale.

Proportion des ressources en eau douces contrôlées par l'homme sur Terre. [Nature]
Proportion des ressources en eau douces contrôlées par l'homme sur Terre. [Nature]

Dans certaines régions du globe, l'influence humaine est même plus forte. Par exemple, dans les régions arides comme le Moyen-Orient, l'Ouest américain, l'Inde et l'Afrique australe, la variabilité attribuée au contrôle humain atteint 90 % et plus (voir illustration ci-dessus).

"De tous les changements de volume des masses d'eau douce sur la planète - toutes les inondations, les sécheresses et la fonte des neiges qui font monter et descendre le niveau des lacs - les humains ont réquisitionné près de 60% de cette variabilité", a déclaré Laurence Smith, co-auteure de l’étude. "C'est une influence énorme sur le cycle de l'eau. En termes d'impact humain sur la planète, c'est tout à fait comparable aux impacts sur la couverture terrestre et la chimie de l'atmosphère".

L'étude fournira une base de référence essentielle pour suivre le cycle hydrologique mondial alors que le changement climatique et la croissance démographique exercent de nouvelles pressions sur les ressources en eau douce.

Analyses à partir d'images satellite Haute Résolution

La mesure systématique des points d’eau autour du globe est un exercice relativement complexe : des pays comme les États-Unis et le Canada mesurent en effet les niveaux des réservoirs - et rendent ces informations publiques - mais de nombreux pays ne publient pas ces données. Seule une minorité de lacs et d'étangs sont par ailleurs jaugés.

Pour pallier ces difficultés, l’étude s’est appuyée sur les mesures d’ICESat-2. Mis en orbite en 2018, ce dernier est muni d’un altimètre laser à haute résolution qui permet de mesurer les variations de niveaux des eaux avec une précision de 25 millimètres.

Satellite ICESat-2, dédié à la mesure des niveaux d'eau [Nasa]
Satellite ICESat-2, dédié à la mesure des niveaux d'eau [Nasa]

"Avec les anciens satellites, il fallait faire la moyenne des résultats sur une grande surface, ce qui limitait les observations aux seuls grands lacs du monde", explique Sarah Cooley, co-auteure de l’étude. "ICESat-2 a une petite empreinte, donc nous pouvons obtenir des niveaux pour les petits lacs dont nous ne pouvions pas nous approcher auparavant. C'était important pour comprendre la dynamique de l'eau à l'échelle mondiale, car la plupart des lacs et des réservoirs sont assez petits".

D'octobre 2018 à juillet 2020, le satellite a mesuré les niveaux d'eau de 227 386 masses d'eau, allant des Grands Lacs américains aux étangs de petite taille. Chaque point d'eau a été observé à différentes périodes de l'année pour suivre les changements de niveau. Les chercheurs ont ainsi recoupé les masses d'eau observées avec une base de données de réservoirs du monde entier afin d'identifier les masses d'eau contrôlées par l'homme et celles qui sont naturelles.

Jamais une telle précision n’avait été obtenue jusque-là.

Philippe Jeanneret, avec la revue Nature.

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