Après dix ans d'indépendance, le Kosovo se cherche toujours un avenir

Grand Format

AFP - Armend Nimani

Introduction

Le Kosovo célèbre les dix ans de son indépendance, proclamée le 17 février 2008. A l'époque, sous l'impulsion de Micheline Calmy-Rey, la Suisse avait été parmi les premiers pays à reconnaître sa souveraineté mais, une décennie plus tard, le Kosovo se cherche toujours un avenir. Les tensions restent vives avec sa minorité serbe et avec Belgrade, qui continue de rejeter l’indépendance de son ancienne province.

Chapitre 1
Carte d'identité du Kosovo

De la guerre à l'indépendance

Plus petit que la Suisse romande, le Kosovo résulte de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. Entre 1998 et 1999, la guerre entre séparatistes albanais et forces serbes y a fait plus de 13'000 morts, dont environ 11'000 Kosovars albanais et 2000 Serbes.

La fin de la guerre n'a pas mis un terme aux tensions entre la majorité albanaise kosovare et la minorité serbe, notamment dans la ville divisée de Mitrovica (nord). En 2004, des émeutes anti-serbes ont fait 19 morts, avec des victimes dans les deux communautés.

Le 17 février 2008, le Parlement du Kosovo a déclaré l'indépendance, immédiatement reconnue par les Etats-Unis, la Suisse et de nombreux pays européens, mais rejetée par la Serbie et la Russie. Aujourd'hui, quelque 115 pays reconnaissent sa souveraineté.

Avec le soutien de Moscou, la Serbie mène une guérilla diplomatique qui a fermé à son ancienne province albanaise la porte de l'ONU et de nombreuses institutions internationales, ce qui limite de facto l'exercice de la souveraineté kosovare.

Les Serbes représenteraient 120'000 du 1,8 million d'habitants, principalement au nord (il s'agit d'une estimation puisqu'ils ont refusé de prendre part au dernier recensement, en 2011). Entre Serbes et Albanophones, rancœurs et blessures continuent de créer tensions et divisions.

>> Interview de Jean-Arnault Dérens, historien spécialiste des Balkans :

Le Kosovo fête ses dix ans. [Keystone - EPA/Petrit Prenaj]Keystone - EPA/Petrit Prenaj
Forum - Publié le 17 février 2018

Un chômage endémique

Plus jeune pays des Balkans (46% de la population a moins de 18 ans), le Kosovo est aussi l'un des plus pauvres.

Le chômage touche un tiers de la population active (30,6%) et près de 60% des moins de 24 ans, selon les chiffres officiels.

En 2016, selon l'agence nationale de statistiques, le salaire moyen s'élevait à 450 euros et un Kosovar sur six vivait sous le seuil de pauvreté.

Dans ce contexte, beaucoup de Kosovars aspirent à l'émigration. Près d'un tiers de la population (700'000, selon les estimations) vit déjà à l'étranger, apportant des devises précieuses au pays.

Valentina, Hanalora et Njomëza n'envisagent pas leur avenir au Kosovo. [RTS - Annabelle Durand]
Valentina, Hanalora et Njomëza n'envisagent pas leur avenir au Kosovo. [RTS - Annabelle Durand]

Un rêve d'expatriation partagé par Valentina, Hanalora et Njomëza, trois jeunes femmes de 20 ans rencontrées par la RTS à l'Université de Pristina.

Très critiques envers leur gouvernement, elles expliquent: "Si nous avions un travail ici, nous pourrions avoir envie de rester. Nous aimons notre famille et elle nous manquera, mais nous n'avons pas le choix. (....) Tout le monde a envie de quitter le pays pour s'en sortir."

>> Voir aussi le reportage sur le manque d'enthousiasme au Kosovo :

Tout le Kosovo se prépare à célébrer l'anniversaire de l'indépendance (ici, à Kacanik). [Reuters - Ognen Teofilovski]Reuters - Ognen Teofilovski
Le 12h30 - Publié le 17 février 2018

Chapitre 2
A la rencontre de la diaspora kosovare

Keystone - Jean-Christophe Bott

La Suisse, terre d'exil pour de nombreux Kosovars

Après l'Allemagne, la Suisse est le deuxième pays de résidence des Kosovars qui ont émigré au cours des trente dernières années.

Presque 200'000 d'entre eux ont choisi la Suisse comme terre d’exil. Aujourd'hui, environ un ressortissant du Kosovo sur 10 vit en Suisse.

C'est le cas de Xhavit Islami, Suisse d'origine kosovare qui vit à Genève. Lui qui a commencé sa carrière comme ouvrier payé au noir dans les années 1980 dirige aujourd'hui sa propre entreprise de dépollution.

La plupart de ses ouvriers viennent, comme lui, du Kosovo. A Genève et Zurich, la moitié des chantiers de finition sont assurés par la diaspora.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Le Kosovo fête ses 10 ans d’indépendance
19h30 - Publié le 18 février 2018

Le regard des jeunes de la diaspora

Tous  les enfants de de Xhavit Islami ont fait des études en Suisse. Ils possèdent la citoyenneté helvétique et sont très conscients de leur chance, par rapport à leurs cousins restés au pays.

La RTS a aussi rencontré trois étudiants albanophones à l'Université de Genève. Marigona, Albine et Edone sont de la 2ème ou 3ème génération d'albanais du Kosovo en Suisse.

Au moment de célébrer le 10e anniversaire de leur pays, on ressent que l'enthousiasme est passé. Un de leur principaux regrets est que, malgré l'indépendance, la Serbie soit encore trop présente politiquement au Kosovo selon eux.

>> Ecouter leur vision de la situation dans leur pays d'origine :

Quel regard posent les jeunes de la diasporasur cette première décénie d'indépendance du Kosovo? [EPA/Keystone - Petrit Prenaj]EPA/Keystone - Petrit Prenaj
Le 12h30 - Publié le 16 février 2018

La ville kosovare de Viti voue un culte à Micheline Calmy-Rey

Viti, la commune d'origine de Xhavit Islami située à une quarantaine de kilomètres de la capitale Pristina, est l'une des villes du Kosovo dont le plus d'habitants ont émigré vers la Suisse.

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Viti, la ville kosovare qui voue un culte à la Suisse et à Micheline Calmy-Rey. [RTS - Annabelle Durand]
Viti, la ville kosovare qui voue un culte à la Suisse et à Micheline Calmy-Rey. [RTS - Annabelle Durand]

n culte à Micheline Calmy-Rey. En 2008, sous l'impulsion de l’ancienne conseillère fédérale, la Suisse a été le premier pays à défendre l’indépendance du Kosovo.

>> L'interview de Micheline Calmy-Rey dans Forum :

L'ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]Keystone - Salvatore Di Nolfi
Forum - Publié le 16 février 2018

Chapitre 3
A Mitrovica, les plaies de la guerre ne sont pas cicatrisées

NurPhoto - AFP - Giannis Papanikos

Mitrovica, une ville coupée en deux

Dix ans après l'indépendance, Albanais kosovars et Serbes de la ville de Mitrovica (nord), divisée depuis la guerre de 1998-1999, gardent la peur en partage.

Une peur renforcée par l'assassinat du politicien serbe modéré Oliver Ivanovic, le 16 janvier dernier. Quatre mois avant sa mort, lui-même décrivait un climat "de danger et de peur".

>> Lire : Le leader serbe du Kosovo Oliver Ivanovic assassiné à Mitrovica

Quelque 70'000 Kosovars albanais vivent là, pour la plupart au sud de la rivière Ibar. Au nord, 12'000 membres de la minorité serbe refusent toujours l'indépendance. Les deux communautés se toisent plus qu'elles ne se côtoient, dans un climat de défiance mutuelle.

Ceux qui parlent la langue de l'autre sont de plus en plus rares. Le pont qui relie nord et sud, surveillé par les forces internationales, reste un symbole de division.

L'allégeance de la minorité serbe de Mitrovica va toujours à Belgrade, même si elle a désormais des députés au Parlement et compte des ministres au gouvernement kosovar. Un accord de normalisation des relations prévoit un statut pour les municipalités où vit la minorité serbe, mais il n'a toujours pas été dessiné.

>> Voir le reportage :

L’indépendance du Kosovo n’est toujours pas pleinement acceptée
12h45 - Publié le 16 février 2018