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Le formidable "Chant du cygne" du comédien Roger Jendly

Les comédiens Roger Jendly et Adrien Gygax dans "Le Chant du cygne". [http://www.compagniedupassage.ch - Fabien Queloz]
Les comédiens Roger Jendly et Adrien Gygax dans "Le Chant du cygne". - [http://www.compagniedupassage.ch - Fabien Queloz]
En revisitant de fond en comble un petit texte de Tchekhov, le metteur en scène Robert Bouvier offre au doyen des comédiens romands un rôle à la mesure de son épopée théâtrale. A découvrir en tournée romande.

"Le Chant du cygne", c’est la toute première pièce de Tchekhov. Une pièce minuscule. Elle tient sur à peine huit pages. Débutant sur les scènes russes, le jeune Tchekhov de 1886 imagine une comédie sur le théâtre qui se passe dans un théâtre.

C’est la nuit, les rideaux ont été tirés, les spectateurs partis depuis longtemps et le personnel a déserté les coulisses. Voici que sort de sa loge, tel un épouvantail, le comédien Svetlovidov. Il est vieux, gâteux, saoul de surcroit. Il se sent perdu, oublié, déjà mort. Son théâtre est une fosse, prête à l’engloutir. Débarque Ivanitch, le souffleur, aussi décati que lui. Ensemble, ils vont se rappeler les grands rôles du passé et se donnent la réplique. Boris Godounov, Le Roi Lear, Othello. Svetlovidov revit. Jusqu’à sa prochaine crise. Cette courte pièce est un petit bijou pour un comédien âgé.

A 80 ans, le Fribourgeois Roger Jendly est bien sûr parfait pour le rôle. Mieux, son metteur en scène Robert Bouvier (avec la complicité de Vincent Fontannaz) lui offre la plus belle des mises en abyme et une formidable déclaration d’amour théâtral.

Joueur, farceur, joyeux

Avec un texte largement revisité du "Chant du cygne", nous basculons des soliloques de Svetlovidov à la vie même de Roger Jendly. Nous ne sommes plus à Moscou, mais au TPR des années pionnières! Et ce Chant, que l’on peut normalement poutzer en 15 minutes, applaudissements compris, dure ici plus d’une heure. Et c’est un régal : joueur, farceur, joyeux, ode au plaisir d’exister, au bonheur d’être vivant et à celui d’exercer encore et toujours le métier de saltimbanque, de raconteur d’histoires, tant que le corps et la mémoire le permettent.

Quant au vieux souffleur, Robert Bouvier lui a donné un sacré coup de jeune. Il est tenu par le très drôle et physique Adrien Gygax, un comédien que l’on voit souvent courir sur les scènes des metteurs en scènes Robert Sandoz et Omar Porras.

Un jeune, un vieux égale un passage de témoin, un dialogue à travers un pan de l’histoire du théâtre romand. On ne va pas vous en dévoiler plus, ce serait gâcher le plaisir de la surprise devant les farces et attrapes imaginée par cette fine équipe qui donne à cette brève affaire (Tchekhov l’aurait écrite en une heure et cinq minutes) les dimensions généreuses d’une épopée théâtrale.

Thierry Sartoretti/olhor

"Le Chant du cygne", TPR, La Chaux-de-Fonds, les 20 et 21 décembre; Théâtre de Carouge, du 11 janvier au 11 février 2018; Théâtre des Osses, Givisiez (FR), du 22 février au 4 mars. Pulloff, Lausanne, du 20 au 25 mars.

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