"Le Moche", une comédie cynique sur la beauté et l'identité

Il ne le savait pas, mais tout le monde le trouve moche! Son chef refuse dès lors de l’envoyer présenter le nouveau produit de l’entreprise qu’il a pourtant entièrement conçu. Mais sa femme lui avoue enfin la "vérité". Piqué au vif, l’ingénieur Letté décide de recourir à la chirurgie esthétique. Il s’offre un visage complètement neuf.

C’est ainsi que débute "Le Moche", une comédie de l’Allemand Marius von Mayenburg. Passé sous le bistouri, Letté triomphe. Les affaires sont florissantes et les femmes n’ont d’yeux que pour lui. Et le pire arrive. Son nouveau visage est si irrésistible que tout le monde l’adopte. Le chirurgien, méphistolesque, le recrée à l’infini. Qui est l’original? Et à quoi pourrait bien servir le beau Lette si tout le monde lui ressemble à l’identique?

Un humour acide et politique

Avant de présenter cette pièce en tournée romande, la metteuse en scène suisse Nathalie Sandoz a présenté son "Moche" au public parisien un mois durant au Théâtre de l’Atalante. Manière de ciseler au plus près ce texte qui est une formidable machine à jouer. Le spectateur se perd dans un jeu de miroirs et d’identités multiples volontairement trépidant. Il y a du Dürrenmatt dans cet humour acide et très politique.

Un côté kafkaïen

Ce texte a la particularité de ne pas comporter d’indication des changements de personnages. Seul le sens des mots indique que l’on est passé du Moche à son double, de sa femme à son amante, et ainsi de suite. Le spectateur a toujours une phrase de retard sur l’action et ce ping-pong déstabilisant renforce le côté kafkaïen de la vie de Letté: cet ancien laid qui ressemble désormais à tout le monde et qui n'est donc plus personne.

Thierry Sartoretti/aq