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"QI Quapacités intelectuèles", le yo-yo de l’intelligence au théâtre

Alenka Chenuz dans la pièce "QI" par la compagnie QED, Lausanne. [DR]
"QI, Quapacité intelectuèles" / Vertigo / 4 min. / le 27 janvier 2022
La comédienne Alenka Chenuz livre un excellent seule en scène à Aigle, au Théâtre Waouw, jusqu’au 30 janvier. Inspiré du roman "Des fleurs pour Algernon", ce spectacle présente un cobaye humain au cerveau dopé suite à une opération. Marchera, marchera pas?

Le QI n’est pas cuit. La mesure du quotient intellectuel a beau être désormais décriée, ses paramètres se concentrant avant tout sur des questions de logique au détriment d’autres variables, le voici qui vole (cui cui…) sur les scènes de théâtre.

Ainsi voici Charlie, alias la comédienne Alenka Chenuz, en bleu de chauffe. Son verbe est hésitant, son regard inquiet, sa gestuelle nerveuse. Elle sort d’une opération au cerveau. Son QI officiel est de 68. Pas terrible quand on sait que la moyenne helvétique se situe dans la fourchette 90-110. Les médecins responsables de son opération espèrent doper les capacités de son cerveau. Il n’y a plus qu’à attendre et pour patienter, Charlie peut toujours essayer de feuilleter un dictionnaire pour tenter de placer des mots sur son ressenti ou jouer avec une sorte de gros puzzle en 3D.

Le spectacle puise sa matière grise dans un livre de SF

Ce seule en scène s’appelle "QI quapacités intelectuèles". Signé Alenka Chenuz et Matteo Prandi avec la complicité de Marion Chabloz, il puise sa matière grise dans un vieux livre de science-fiction: "Des fleurs pour Algernon", signé Daniel Keyes en 1966, une époque où l’affichage d’un puissant QI donnait illico à la personne évaluée prestige et considération.

C’est la seconde fois en quelques mois qu’un spectacle de théâtre s’inspire de ce bouquin américain. "Charlie", mise en scène très musicale de Christian Denisart, poursuit sa tournée romande sur ce même thème de l’intelligence suprême obtenue grâce au bistouri de la chirurgie. Dans les années 1960, les romans de SF évoquaient également le dépassement des humains par les robots. Aujourd’hui, nous y sommes, mais c’est un autre sujet…

Alenka Chenuz dans la pièce "QI" par la compagnie QED, Lausanne. [DR]
Alenka Chenuz dans la pièce "QI" par la compagnie QED, Lausanne. [DR]

Revenons à "QI quapacités intelectuèles". Une belle heure durant, nous assistons au progrès fulgurant du sujet Charlie alias Alenka. Terminées les hésitations, paroles et pensées jaillissent désormais tel un torrent au dégel printanier. Le brouillard se déchire, Charlie glose, glose, glose… Einstein affichait un QI de 160. Il peut retourner en classe. Charlie surpasse tout. Las, ce changement n’est pas durable. Imaginez une 2CV qui devient Ferrari et se retrouve rapidement en panne d’essence, son élan irrésistiblement freiné. Charlie, alias Alenka, retrouve les brumes de sa cervelle initiale et lutte de toutes ses forces lors de ses derniers éclairs de lucidité.

Reprise du mythe d'Icare

"QI quapacités intelectuèles" et le roman initial de Keyes reprennent à leur façon le mythe d’Icare qui chute à vouloir se dépasser. Il interroge également la sentence de l’apôtre Mathieu, "heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux". Malicieux, joueur, ce solo est aussi une superbe prouesse de jeu qui passe avec humour par tous les stades de la gestuelle et de la parole. Un des médecins ayant opéré Charlie compare son cerveau à une ampoule. L’intelligence serait alors l’intensité lumineuse, capable d’éclairer le monde extérieur pour le rendre intelligible. En la matière, "QI quapacités intelectuèles" ne manque pas de lumen.

Thierry Sartoretti/olhor

"QI quapacités intelectuèles" à Aigle, Théâtre Waouw, jusqu’au 30 janvier. A Vevey, Théâtre des Trois-Quarts, du 10 au 13 mars.

"Charlie" à Gland, Théâtre de Grand Champ, le 11 février. A Vevey, Théâtre Le Reflet, les 15 et 16 février.

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