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Marie-Agnès Gillot: "J'ai trouvé ma liberté dans la discipline"

La danseuse et chorégraphe Marie-Agnès Gillot. [AFP - François guillot]
Entretien avec Marie-Agnès Gillot, danseuse étoile / Vertigo / 53 min. / le 7 juillet 2020
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot donne en ce moment un stage à des élèves préprofessionnelles de 9 à 17 ans à Yverdon, dans lʹécole de Brigitte Roman, le Studio Ballet Terpsichore.

Chorégraphe et danseuse étoile de lʹOpéra de Paris de 2004 à 2018, Marie-Agnès Gillot est une artiste polymorphe. On l'a vue comme égérie de grandes marques de couture, comme jurée de l'émission "La nouvelle danse", dans la bande des Enfoirés ou participant à des clips comme "La Superbe" de Benjamin Biolay ou "La Danseuse amoureuse" d'Arthur H.

En ce moment, elle offre un stage à des élèves préprofessionnelles à Yverdon, dans lʹécole de Brigitte Roman, le Studio Ballet Terpsichore. "La danse, c'est une transmission directe, il n'y a pas de papier, de partition musicale, on ne note rien des choses apprises, il faut donc qu'une danseuse transmette son savoir".

Que peuvent acquérir ces filles entre 9 et 17 ans, probablement intimidées par une telle professeure? "L'art de raconter des histoires, de penser, de compter, de visualiser l'espace. Une manière aussi de ne pas tricher, car la tricherie bloque la progression. La danse est un art complet, il n'est pas en 2D mais en 4D".

Et le charisme, peut-on l'apprendre? "Non, cela ne s'explique pas, mais on le reconnaît immédiatement quand tous les regards convergent vers une danseuse ou un danseur. Peut-être que le charisme provient de la joie à faire ce qu'on fait et du don de soi. Mais cela n'a rien à voir avec la technique même si elle reste indispensable, d'autant plus chez celles et ceux qui ont du charisme parce qu'ils sont plus exposés".

Seule à 9 ans à Paris

Artiste atypique, décrite comme "la danseuse contemporaine de danse classique", Marie-Agnès Gillot ressemble davantage à une nageuse qu'à une danseuse classique. "Je ne fais que 1,73 m, mais avec mes bras de singe et mes jambes interminables, on m'en donne beaucoup plus".

Il faut dire que son parcours est lui aussi très atypique. A Caen, en Normandie où elle est née en 1975, ses profs de danse lui décèlent rapidement un don. A 9 ans, elle est envoyée seule à l'Ecole de Danse de l'Opéra national de Paris.

Le plus dur était de quitter mes parents et de ne pouvoir leur téléphoner que deux fois par semaine. A 9 ans, on a besoin de sa maman. Heureusement, la mienne m'a envoyé des cartes postales d'encouragement tous les jours pendant cinq ans.

Marie-Agnès Gillot, danseuse étoile.

Un corset pendant des années

Parce qu'elle a grandi trop vite - 12 cm en une année - et qu'elle était très souple, Marie-Agnès Gillot découvre alors qu'elle souffre d'une double scoliose qui l'oblige à porter un corset 21 heures par jour. "Les trois heures restantes étaient consacrées à mes cours de danse".

Pendant cinq ans, elle a réussi à cacher ce handicap à tous ses professeurs. Elle ne confiera son secret que bien plus tard, notamment pour encourager les petites filles qui grandissent trop vite à ne pas abandonner et à "avoir le courage de ses ambitions".

Une forme de foi

Maurice Béjart disait que pour être une bonne danseuse, il fallait être moitié nonne, moitié boxeuse. Marie-Agnès Gillot valide cette affirmation: "Je savais que rien ne me ferait changer d'avis sur ma passion pour la danse, cette conviction s'apparente à une forme de foi".

Mais aussi à un sacerdoce compte tenu des sacrifices que la pratique exige. "Personnellement, j'ai trouvé ma liberté dans la discipline. Nous sommes comme des athlètes de haut niveau, plus nous nous entraînons, moins nous sommes fatigués".

A 42 ans, comme le veut le règlement de l'Opéra de Paris, il faut quitter la maison. Une retraite à cet âge-là est-elle facile à accepter? "Non parce qu'on n'est pas préparé à être ainsi lâché. Mais j'ai la chance d'avoir de nombreux projets et d'être curieuse de toutes les formes d'art, même si la petite routine de la maison me manque".

Propos recueillis par Laurence Froidevaux

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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