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Jamel Debbouze relance la sitcom en France avec "Terminal", un pari risqué

La sitcom "Terminal" de Jamel Debbouze sur Canal+. [Canal+]
La sitcom "Terminal" de Jamel Debbouze sur Canal+. - [Canal+]
Depuis son apparition sur Canal+ le 22 avril, "Terminal" de Jamel Debbouze est loin de faire l'unanimité. Entre une majorité déçue par l'humour lourdingue et une poignée d'adeptes louant une série délirante, la sitcom doit faire quelques ajustements, au risque d'être arrêtée.

Pour sûr, "Terminal" est réservé aux nostalgiques de "H" qui découvraient, à la fin des années 1990, une bande de gais lurons complètement allumés. A l'époque, les jeunes Eric Judor, Ramzy Bedia, Jamel Debbouze, Sophie Mounicot et Catherine Benguigui faisaient face à l'expérimenté Jean-Luc Bideau, le génial professeur Strauss. 71 épisodes hilarants plus tard, les joyeux farceurs de "H" voyaient leur notoriété s'envoler. Ils avaient réussi à redonner ses lettres de noblesse à un genre méprisé en France; la sitcom.

Exit les blouses blanches et vive les uniformes bleus d'une compagnie aérienne low cost: Flywings, la pire qu'ait connu l'histoire de l'aviation civile. Dans ce microcosme déjanté, il y a Jack le commandant minable (Ramzy Bedia) et Charlie sa copilote acariâtre (Bérangère McNeese). Les stéréotypes fleurissent également du côté du personnel de bord entre des hôtesses larguées et des stewards incompétents. Jamel Debbouze, pour sa part, incarne un agent de sécurité accroc au taser. Tout ce beau monde multiplie les bourdes et cumule les gaffes, sous la houlette de leur cheffe Nikki (incarnée par l'humoriste Doully).

Un décollage poussif

Jamel Debbouze, coproducteur et coréalisateur, a réuni avec son complice Mohamed Hamidi un casting hétéroclite. Ramzy, Jamel, Camille Chamoux et les invités de passage comme Manu Payet ont la lourde tâche de tirer vers le haut une relève un peu trop sage et timide emmenée par Bérengère McNeese, Laureen "lapotegenante", Alexandra Roth, Samuel Bambi, Brahim Bouhlel et Tristan Lopin. Force est de constater en effet que le décollage est très poussif.

Il faut attendre le troisième épisode pour que l'équipage trouve sa vitesse de croisière. Avant d’actionner le pilote automatique, les comédiens et comédiennes, qui possèdent des rythmes différents, ont eu besoin de deux épisodes pour s'apprivoiser et doser leur jeu. A cela vient s'ajouter une épineuse question: faut-il jouer comme au théâtre pour les spectateurs présents sur le tournage ou jouer comme au cinéma pour les gens qui regarderont le produit fini à la télé?

L'aéroport comme terrain de jeu

Déclencher un rire toutes les dix secondes n'est pas chose aisée. Il faut une cargaison de vannes et de punchlines impressionnantes. Logique que dans le lot certaines tombent à plat. De même, il faut accepter que les sketchs qui se succèdent à une vitesse folle soient inégaux. Mais dans la globalité, les auteurs suivent leur cap, le même qui fit le succès de "H" avec des personnages aux réactions absurdes plongés dans des situations loufoques.

Ils et elles ont l'art et la manière de manier l'abscons et l'humour potache dans ce nouvel environnement, l'aéroport, un postulat soi-dit en passant excellent. Comme à l'hôpital, toutes les franges de la société se croisent, de quoi nourrir bien des situations farfelues dans suffisamment de décors différents pour varier les plaisirs, de la salle d'embarquement au cockpit en passant par le tapis à rayons X.

Des ajustements nécessaires

La réussite de la sitcom repose sur un juste équilibre à trouver, ce qui nécessite quelques réglages à l'allumage et pas mal de travail sur le mixage du son final. En effet, le public au cœur d'un dispositif de captation impressionnant, installé dans un tourniquet avec les décors à 360 degrés tout autour de lui, est chauffé à blanc par Jamel entre deux prises. Les rires des spectateurs survoltés saisis au tournage sont souvent en décalage avec le produit fini, de quoi perturber son visionnage et desservir la sitcom.

Il manque aussi un personnage à la Strauss qui amenait ce surplus de folie imprévisible dans "H". Certes Doully, la présentatrice de Groland, pourrait largement succéder à Jean-Luc Bideau. L'actrice en a la capacité et le talent, mais encore faudrait-il réajuster son personnage, en faire une cheffe encore plus barrée que toute l'équipe de Flywings réunie. Peut-être que dans une deuxième saison, si prochaine saison de "Terminal" il y a, les auteurs ne manqueront pas d'opérer ce genre d'ajustements.

Philippe Congiusti/ld

"Terminal" de Jamel Debbouze et Mohamed Hamidi, avec Bérangère McNeese, Ramzy Bedia, Camille Chamoux, Jamel Debbouze, Doully. Saison 1 à voir sur Canal+ depuis le 22 avril 2024.

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