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"Homejacking", violente intrusion dans une paisible maison bourgeoise

Une image de la série "Homejacking" de Hervé Hadmar. [Lincoln TV/OCS]
Une image de la série "Homejacking" de Hervé Hadmar. - [Lincoln TV/OCS]
Dans "Homejacking", victimes et agresseurs ne sont pas ceux que l'on croit. En changeant de point de vue d'un épisode à l'autre, cette série de Hervé Hadmar ("Pigalle", "La nuit") à voir sur OCS dès le 7 avril réussit une prise d'otage tendue avec son scénario habile truffé de surprises.

Un jeune homme à cagoule rose s'introduit dans une maison d'architecte isolée en pleine forêt et construite sur une carrière. Ce souterrain et son dédale de couloirs s'imposent comme la métaphore idéale d'une histoire complexe aux multiples ramifications, avec ses bonnes pistes et ses impasses insoupçonnées, un labyrinthe dans lequel il est agréable de se perdre. Avec ses immenses baies vitrées, son large espace de vie, sa bibliothèque bien fournie, son passage secret menant à un bloc opératoire réhabilité en cave à vin, la bâtisse étonne autant que le preneur d'otage mutique intrigue.

Déterminé, arme au poing, il maîtrise violemment les occupants, les ligote puis se sert tranquillement un verre de lait, toujours sans un mot. Les victimes de "Homejacking", Isabelle et Richard Deloye (Marie Dompnier et Yannick Choirat), une chirurgienne plastique de haute volée et son mari auteur et professeur agrégé, sont séquestrés par cet agresseur dont ils ignorent les motivations.

Vol? Viol? Meurtre? Pour lever le voile, il faut patienter jusqu'au début du deuxième épisode de la mini-série. A l'hôpital, une femme se meurt devant Yasmine et Bilal (Sofia Lesaffre et Carl Malapa), ses deux grands enfants. Dans son dernier souffle, elle évoque confusément une maison isolée, des arbres, leur père Mohamed parti avant son accouchement sans laisser de trace il y a vingt ans.

Série en forme de brillante déconstruction

"Homejacking" est un casse-tête chinois sous forme de thriller haletant, une brillante déconstruction des a priori pour inciter à voir au-delà des apparences. Ce Rubik's cube infernal, prompt à décimer des millions de neurones à force de réfléchir sur l’intrigue et ses protagonistes, est dopé aux multiples rebondissements imprévisibles.

L'histoire balaye plusieurs thèmes sans jamais ennuyer ou donner l'impression d'une artificialité. Bien au contraire. Tout s'imbrique à merveille: discrimination au faciès, racisme qui interdit de faire valoir des capacités intellectuelles, jalousie, violence conjugale, haine meurtrière, sans compter le prix à payer pour vivre libre mais enfermé dans une maison, prisonnier d'un terrible secret.

Clins d'oeil cinématographiques 

Les flashbacks jamais gratuits et la mise en scène au cordeau jouant avec la géométrie de cette maison renforcent le suspense et la tension, alors que les clins d'œil cinématographiques se multiplient. Bien sûr que l'intrusion renvoie d'emblée au palpitant "Panic Room" de David Fincher. Plus loin, Hervé Hadmar convoque "Les oiseaux" d'Alfred Hitchcock avec une attaque de corbeau terrifiante, le piaf laissant la place à un hommage à peine masqué à "La piel que habito" de Pedro Almodóvar et même qu'à "Parasite" de Bong Joon-ho.

Non content de réaliser six épisodes sous haute tension, Hervé Hadmar signe aussi une musique angoissante à point, une partition parfaitement au diapason à base de piano, harpe et synthétiseur. Si les expérimentés Marie Dompnier ("Cœur noir"), Yannick Choirat ("Sentinelles"), Sofia Lesaffre ("Le ciel attendra"), Carl Malapa ("Mortel") tirent parfaitement leur épingle de ce jeu de dupe, "Homejacking" permet surtout l'éclosion d'un nouveau visage, celui de Merwane Tajouiti, alias Mohamed, un comédien prometteur qui s'affiche également dans "La Fièvre", actuellement sur Canal+ et autre série remarquable à déguster goulûment.

Philippe Conguisti/olhor

"Homejacking" de Hervé Hadmar. Série en six épisodes, à voir sur OCS, dès le 7 avril 2024.

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