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Dans la série délirante "Machine", le kung-fu vole au secours de Karl Marx

Visuel de la série "Machine", avec Margot Brancilhon et JoeyStarr. [ARTE TV]
Par ici les Séries: comédie sociale et dictature comique / Vertigo / 4 min. / le 2 avril 2024
Des combats à mains nues à la lutte ouvrière, il n'y a qu'un coup porté au derrière du patronat pour saisir tout en humour les bienfaits de l'autogestion. Comédie sociale en six épisodes réalisée par Fred Grivois et portée par Margot Bancilhon et JoeyStarr, "Machine" est à voir sur Arte.tv depuis le 4 avril.

Margot Bancilhon est méconnaissable. Tirée à quatre épingle en avocate fille d'Olivier Gourmet dans le polar social en six épisodes "De grâce" diffusé sur Arte, elle s'affiche désormais en dreadlocks et pull à capuche, le regard dirigé vers ses pompes pour passer inaperçue.

Elle se fait appeler Margot, dit La Machine. Cette ancienne des forces spéciales, en fuite et traquée par un commando de la DRSD (Direction du renseignement et de la sécurité de la défense), débarque dans un village de la France profonde pour se cacher dans l'appartement de sa défunte grand-mère.

La science de la bagarre au service de la lutte ouvrière

Sous une fausse identité, Margot est embauchée comme intérimaire dans une usine de machines à laver. Mais à peine entame-t-elle sa mission chaperonnée par JP (incarné par JoeyStarr), ancien toxico rompu au cyclisme et à Marx, que la grève éclate. L'actionnaire coréen, après avoir empoché des subventions de l'Etat, veut délocaliser l'usine dans son pays.

Alors qu'elle se fiche royalement du combat qui s'engage, Margot se lie d'amitié avec JP qui possède tout un arsenal de citations de Marx qu'il dégaine à qui mieux mieux. Jamais avare d'une prise de kung-fu, Margot décide finalement de mettre sa science de la bagarre au service de la lutte ouvrière. Mais à force de jouer des poings, des pieds et des coudes, Margot se fait remarquer et rester sous les radars devient difficile.

Une comédie sociale décapante

Avec "Machine", c'est comme si les Dardenne avaient réalisé "Kill Bill", ou comme si Tarantino avait retoqué à sa sauce toute la filmographie des deux frères belges. Le créateur Thomas Bidegain, réalisateur de "Les cowboys" ou scénariste de renom de "Un prophète", "De rouille et d'os" ou "Les frères Sisters" , imagine une comédie sociale décapante.

A la réalisation, Fred Grivois passe très allègrement du polar pur jus "Piste Noire" (six épisodes pour France TV) à cette farce sociale baptisée "Machine". Du combat solitaire au combat solidaire, la cogneuse va mener avec son nouveau mentor la lutte finale pour dégager les actionnaires et convaincre les collègues de reprendre en main leur outil de production en s’autogérant.

Du second degré aux allures de BD

La réussite de "Machine" tient autant au duo principal qu'aux seconds rôles, notamment Guillaume Labbé en militaire tordu, ravagé et obnubilé par Margot, prêt à tout pour la retrouver et la tuer. Anne Benoît en cheffe syndicaliste n'est pas en reste.

Mais au-delà du casting, la force de la série repose sur un parfait dosage entre kung-fu et lutte ouvrière. Les deux se nourrissent en permanence pour faire avancer l'intrigue. Aux combats très bien chorégraphiés et distillés avec parcimonie répondent les citations de Marx, alors que les rouages du démantèlement d'une usine pourtant rentable sont disséqués avec précision.

En optant pour le second degré, "Machine" prend des allures de BD parfois hilarante tant les figures de syndicalistes, de préfet, de barbouzes de l'Etat, de casseurs de grève, d'actionnaires coréens, de commandos militaires ou de vlogeur complotiste ne sont que clichés. Mais en poussant les curseurs au maximum, la magie opère dans un scénario qui n'oublie toutefois pas d'émouvoir quand il le faut.

Philippe Congiusti/ld

"Machine" de Fred Grivois, avec Margot Bancilhon et JoeyStarr. Mini-série en six épisodes à voir sur Arte.tv depuis le 4 avril 2024 et Arte dès le 11 avril 2024.

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