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Décès de Pierre Henry, maître de la musique électroacoustique

Le compositeur français Pierre Henry lors d'un concert à Nantes, le 2 décembre 2002. [AFP - Frank PERRY]
Décès du compositeur Pierre Henry, maître de la musique électroacoustique / Le 12h30 / 1 min. / le 6 juillet 2017
Le compositeur Pierre Henry, l’un des pères de la "musique concrète", un inventeur de bruits et de sons éclectiques voire étranges dont la fameuse "Messe pour le temps présent", est décédé à l’âge de 89 ans, a annoncé jeudi son entourage.

"Il est décédé cette nuit. Il allait fêter ses 90 ans le 9 décembre", a annoncé Isabelle Warnier, son assistante et proche de la famille".

Pierre Henry a étudié la musique dès l’âge de sept ans et suit, entre 1937 et 1947, les classes d'Olivier Messiaen, Félix Passerone et Nadia Boulanger au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris.

Lutherie expérimentale

De 1944 à 1950, il compose quelques œuvres instrumentales et mène une carrière de musicien d’orchestre comme pianiste et percussionniste. Il débute en parallèle des recherches sur une lutherie expérimentale.

En 1948, il compose sa première musique de film, "Voir l'invisible", interprétée avec des objets acoustiques. Il rejoint Pierre Schaeffer en 1949 et, ensemble, ils créent la "Symphonie pour un homme seul" en mars 1950, qui utilise la technique du "piano préparé": divers objets sont insérés entre les cordes et la caisse de l'instrument.

En 1955, le chorégraphe Maurice Béjart utilise "Symphonie pour un homme seul" et suivront quinze ballets en collaboration entre les deux artistes au fil des ans. Dont la musique du fameux "Messe pour le temps présent", ballet créé en 1967 au Festival d'Avignon, qui inspira les musiques électroniques.

Précurseur de la techno

L’artiste français a compté parmi les premiers compositeurs de la scène électro acoustique à être repris par les DJ's et producteurs de musiques électroniques et techno.

En 1996, la maison de disques Philips sort un album de remixes de plusieurs morceaux de la "Messe pour le temps présent" de Pierre Henry. Des artistes aussi différents que le DJ house jet set Dimitri from Paris, le compositeur William Orbit (héros proto new wave et producteur de Madonna) ou le duo d’expérimentateurs sonores anglais Coldcut s’étaient attelés à revisiter des morceaux emblématiques de Pierre Henry, dont le cultissime "Psyche Rock".

>>"Psyche Rock" de Pierre Henry

>> À écouter, l'hommage à Pierre Henry d'Eric Truffaz dans "Paradiso" :

Pierre Henry. [AFP - Stephane De Sakutin]AFP - Stephane De Sakutin
Eric Truffaz - hommage à Pierre Henry / Paradiso / 7 min. / le 6 juillet 2017

Un regard critique

Le résultat inégal laisse le compositeur français perplexe, même si ce coup de projecteur inattendu contribue à le faire découvrir auprès d’une nouvelle génération de mélomanes amateurs de musique électronique. Interviewé à l’époque, Pierre Henry remercie cette nouvelle génération d’expérimentateurs tout en avouant ne pas toujours saisir les liens entre leurs deux univers. Une position partagée alors par d’autres précurseurs comme Karlheinz Stockhausen remixé lui aussi par plusieurs producteurs.

Cette opération de relifting semble tenir autant du calcul mercantile des maisons de disques que de l’intérêt réel d’une nouvelle génération de bidouilleurs. C’est l’occasion pour les majors de relancer des back catalogues de compositeurs ; pour certains artistes techno, ces hommages leur permettent de se trouver une crédibilité artistique à bas prix. Dans les années qui suivent, d’ailleurs, plusieurs hommages de ce type sortent coup sur coup.

Dans l’aventure, Pierre Henry a élargi son public, mais il a toujours posé un regard critique sur la techno coupable selon lui de standardiser les univers sonores.

Michel Masserey/olhor avec afp

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L'un des grands défricheurs sonores

"Pierre Henry faisait partie avec Pierre Schaeffer et Stockhausen des grands défricheurs sonores du XXe siècle qui ont changé la manière de concevoir la musique", a déclaré le compositeur français Jean-Michel Jarre. Celui-ci a travaillé avec eux au Groupement de Recherches musicales à la fin des années 1960.

"Pour Pierre Henry, comme pour Pierre Schaffer, la musique n'était pas seulement faite de notes de solfège, mais de sons comme le bruit d'une porte, du vent ou de la pluie", a-t-il ajouté.