La Grange aux claviers et ses trésors

"Vous devez absolument venir voir cette collection." Ce n'est vraiment pas l'habitude dans "Versus", le 9h-12h d'Espace 2, de dépêcher des envoyés spéciaux de l'autre côté de l'Atlantique. Mais Davitt Moroney a insisté. Le claveciniste britannique touche au terme de son enseignement à l'Université de Californie: il rentre à Paris, sa ville d'adoption, d'où sa science musicologique, son goût du partage musical qui avait déjà donné lieu à de belles émissions baroques sur nos ondes.

Et il nous donne rendez-vous à mi-chemin entre Berkeley et la Suisse, sur la Côte Est des États-Unis, à 30 miles de Philadelphie. Pas par hasard géographique mais parce que dans la campagne de Wilmington, Delaware, se trouve un point névralgique mondial pour la musique de clavier ancienne: une collection tissée un peu par hasard, en à peine 20 ans, de main de maîtresse, par la claveciniste Karen Flint.

>> La Grange aux claviers racontée par Karen Flint :

>> À écouter, l'émission "Versus-écouter" consacrée à la Grange aux claviers (1/2) :

wikipedia

>> À écouter, l'émission "Versus-écouter" consacrée à la Grange aux claviers (2/2) :

DR - Scott Hewitt

Contrairement à l'idée reçue, le piano n'est pas le descendant direct du clavecin. Les deux instruments, à la mécanique bien distincte, se sont côtoyés pendant un bon siècle, depuis l'invention par Cristofori dans la première décade du XVIIIe siècle d'un "arpicembalo a martelletti, che fa' il piano e il forte" jusqu'aux derniers feux du clavecin.

Les cours princières du Nord de l'Europe (à Stockholm ou St-Pétersbourg, où l'on aime il est vrai une musique d'avant la Révolution française) apprécient encore le son du clavecin au XIXe siècle, dont l'éclipse totale sera courte - moins de cent ans.

L'organologie, abstraction faite du clavier qui apparente piano et clavecin (et l'orgue, instrument à vent), doit bien les classer l'un parmi les percussions (cordes frappées), l'autre parmi les cordes pincées (comme la guitare ou la harpe)...

>> La Grange aux claviers, une collection de clavecins unique au monde :

En janvier 2017, une masterclass autour de la musique de clavier de William Byrd (1543-1623), le "Phénix" de la musique élisabéthaine, était donnée par Davitt Moroney sur ces instruments de la collection de Karen Flint.

L'occasion pour Albano, Caitlyn, Judy, Kyle et Matthew (et pour les auditeurs d'Espace 2) d'approfondir les pavanes et gaillardes du compositeur anglais et de les goûter sur des clavecins historiques, aux sonorités proches de ceux que Byrd jouait.

>> William Byrd, le Phénix élisabéthain :

L'invention du clavier musical n'a pas obéi à des motifs très différents de celle de l'ordinateur. Il s'agissait de créer une machine capable de jouer une partition polyphonique.

Et le premier répertoire connu des orgues et clavecins est une transcription de musiques vocales, dont les parties sont rassemblées par magie sous les doigts d'un seul interprète.

Puis on s'intéresse à sa sonorité propre, et on écrit spécifiquement pour l'instrument et ses qualités intrinsèques de délié et d'harmonie  – et William Byrd est un des premiers à l'utiliser comme tel, dans un répertoire immense de plus de 100 pièces indépendantes.

Une proposition de David Meichtry pour l'émission "Versus-écouter" sur Espace 2.

Réalisation web: Mélissa Härtel et Lara Donnet