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Benjamin Bernheim, l'étoile montante de l'opéra suisse

Benjamin Bernheim dans "Hamlet" à l’Opéra de Lausanne
Benjamin Bernheim dans "Hamlet" à l’Opéra de Lausanne / La Puce à l'Oreille / 3 min. / le 2 février 2017
Le ténor lyrique chante dans "Hamlet" à applaudir sur les planches de l'Opéra de Lausanne. Devant les caméras de "La Puce à l'oreille", il prouve qu'il a une immense carrière devant lui. Et du soleil dans la voix.

D'abord, on croit retrouver Tintin. Dans les coulisses de l'Opéra de Lausanne, juste avant le début d'une répétition générale piano, il promène son visage arrondi et son sourire affable au-dessus duquel sa coiffure, fixée par le gel, dessine comme une houppe. Tintin à première vue, peut-être, mais pas longtemps. Car très vite, on découvre ses épaules charpentées par la gym, ses talons de chanteur d'opéra bien ancrés dans le sol et, surtout, sa voix d'or – une "voix pleine de soleil", pour reprendre l'expression d'un grand critique d'opéra.

Tel est donc Benjamin Bernheim, ténor lyrique franco-suisse à applaudir ces jours-ci sur la scène de l'Opéra de Lausanne dans "Hamlet" d'Ambroise Thomas. Benjamin Bernheim y incarne Laërte, un rôle plus court que ceux qui lui ont récemment valu ovations, lauriers et couronnes, sur les scènes de la Scala de Milan, de l'Opéra Bastille ou de Salzbourg. Et qui ont fait de lui une révélation.

Célébré par la critique

D'origine française, Benjamin Bernheim a grandi à Genève, dans une famille et un milieu de chanteurs. Du ciel, il reçoit, lui, une voix naturelle, chaude, instinctive. Il foule ses premières planches dans les rangs du chœur du Grand Théâtre genevois.

Et où a-t-il forgé sa voix "pure et sans défaut, du pianissimo délicat au fortissimo héroïque" pour citer le magazine "Opera News"? À Lausanne, au Conservatoire HEM, auprès de Gary Magby, avant de fréquenter les Masterclasses de Jaume Aragall et celles de l'Accademia Verdiana de Carlo Bergonzi à Busseto.

Une étoile montante dans un star-system

L'opéra a changé. Ses règles, ses codes et ses voies ascensionnelles ont été chamboulés. D'un art aux coulisses plutôt secrètes, lentes et hiérarchisées, il s'est mué en star-system proche du business de la pop, exhibitionniste et pris de vitesse. Les étoiles y naissent de plus en plus jeunes, comètes échevelées volant toujours plus vite vers l'oubli. Justement, une des particularités de Benjamin Bernheim, c'est d'avoir conservé une forme de prudence voire de lenteur. De lente maturation.

À ses débuts, Bernheim qui est pourtant très tôt repéré par de grands chefs, préfère temporiser. Attendre d'être prêt pour un rôle, côté voix ou maturité. On sent bien qu'aujourd'hui encore, les critiques s'étonnent de ne pas le voir flamber plus souvent. Bernheim passera ainsi trois ans au cœur de la troupe de l'Opernhaus de Zurich, prenant le temps de se former une famille, de ne pas s'enfermer dans un répertoire allemand qui lui aurait apporté plus de succès, mais qui l'aurait claquemuré dans une carrière sans horizon.

Un artiste à suivre

Aujourd'hui encore, le ténor lyrique raconte comment il entretient son équilibre, passant du temps auprès de sa femme et de sa fille, à Zurich, faisant du sport. C'est peut-être cette probité, cette absence de frénésie hâtive qui dessine, aussi, le paysage de sa voix, une voix bouleversante parce que sans affect ni ambitions forcées, capable de déployer l'ambiguïté de ses personnages.

Depuis un an, Bernheim a changé d'orbite. Après avoir quitté l'Opéra de Zurich, celui qui a chanté sous la houlette de Zubin Mehta, William Christie, Philippe Jordan ou Michel Plasson, fera son retour à l'Opéra de Paris, ses débuts au Staatsoper de Vienne et à celui de Berlin, sans oublier le Lyric Opera de Chicago. Étoile montante, oui. Filante, non. À suivre, oui, définitivement et longtemps.

Stéphane Bonvin/ld

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"Hamlet" à l'Opéra de Lausanne

"Hamlet", opéra en 5 actes d'Ambroise Thomas, chanté en français. Direction musicale: Fabien Gabel
. Mise en scène: Vincent Boussard
. Opéra de Lausanne, 5, 8, 10 et 12 février 2017.