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Réédition de deux albums de Hako Yamasaki, la voix des années folk japonaises

Tobimasu par Hako Yamasaki. [wereleasewhateverthefuckwewantrecords]
Hako Yamasaki, la voix des années folk japonaises / L'Echo des Pavanes / 19 min. / le 2 mars 2024
La maison de disques genevoise WRWTFWW réédite "Tobimasu" et "Tsunawatari", les deux premiers albums de la chanteuse Hako Yamasaki, égérie folk niponne des années 1970. A redécouvrir dans tous les formats.

Son visage grave emplit la pochette. La moue est aussi boudeuse que frondeuse. Elle n’a que 18 ans lorsqu’elle enregistre ce premier album, "Tobimasu" ("Voler"). Et il s’agit bel et bien d’un envol. Egérie des bars de nuit de Yokohama, Hako Yamasaki lance la vague du folk-rock dans le Japon de 1975.

On parle alors d’émancipation féminine, de culture occidentale venue via les bases militaires américaines et adaptée à l’esprit du moment dans l’archipel: pop californienne façon Joni Mitchell, jazz cool à la Chet Baker, chanson française dans le sillage de Françoise Hardy. Le ton est alors au spleen.

Sans vouloir aligner des listes de chanteuses de enka, la pop nippone entre tradition et variété, on citera tout de même une autre artiste de ces années 1970, Maki Asakawa, ses cigarettes grillées à la chaîne, sa mine tout aussi sombre et ses poses d’égérie existentialiste qui fuirait la lumière du jour. Ce Japon-là est à la fois familier par les guitares et lointain par la langue. Une note bleue dans le blanc des cerisiers en fleurs. "Lost in Translation", comme disait un fameux film.

Une légende avec des hauts et des bas

Aujourd’hui, Hako Yamasaki a 66 ans, une quarantaine d’albums à son actif. Sa voix double parfois des personnages d’animés et elle continue de se produire sur scène. Une star? Plutôt une légende, avec ses hauts dans les années 1970 et ses très bas comme à la fin des 1990 où elle dit avoir survécu en tenant la plonge et le service d’un restaurant chinois de Yokohama.

Pourquoi parler d’elle en 2024? Grâce à un duo helvétique, signant, on l’espère, le retour en grâce d’Hako Yamasaki. On doit en effet à un label genevois la réédition dans tous les formats possibles de l'album "Tobimasu" et du délicieusement mélancolique et incandescent "Tsunawatari", paru dans la foulée en 1976.

WRWTFWW, un label genevois pas comme les autres

A la tête du label WRWTFWW, Olivier Ducret et Stéphane Armleder ont la délicieuse habitude de puiser dans leur propre collection de disques des perles trop belles pour rester oubliées. Fans du Japon depuis l’apparition de "Candy" et autres "Goldorak" sur les télévisions européennes, ils ne cessent de rééditer des musiques japonaises allant des BO d’animés ("Ghost in the Shell") à de la musique contemporaine cosmique (Midori Takada) en passant par du jazz et des sons électroniques.

Le duo n’explore pas que le seul Japon, leur catalogue comprend aussi des disques cultes tels un coffret du groupe Grauzone (Stephan Eicher avant Eicher), la musique du compositeur Michel Legrand pour le film pop "Qui êtes-vous, Polly Maggoo?" du photographe et cinéaste William Klein en passant par les musiques au synthétiseur du Suisse Bruno Spoerri, les enregistrements musicaux de la série animée française "Les Shadoks" ou l’obscure BO du (naguère) sulfureux "La France interdite".

Bref, le label des deux larrons ne s’intitule pas pour rien WRWTFWW, soit un acronyme anglophone potache et peu poli que l’on vous laissera chercher et dont la traduction serait "Nous sortons ce que nous voulons comme ça nous chante". Et ça nous enchante.

 Thierry Sartoretti/aq

Hako Yamasaki, "Tobimasu" et "Tsunawatari" (WRWTFWW), réédition en février 2024.

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