Publié

Les musiques du complot et de la paranoïa dans le cinéma américain

TV WHITE HOUSE PLUMBERS. [Keystone - AP HBO Max]
Le Watergate à lʹécran et les musiques de la paranoïa / L'Actu Musique / 9 min. / le 16 mai 2023
"Des hommes du président" à "White House Plumbers", la nouvelle série de HBO sur le scandale du Watergate, le cinéma américain a une façon bien particulière de mettre en musique le climat angoissant des années 1970. Tour d'horizon.

"White House Plumbers", littéralement "Les plombiers de la Maison Blanche", est une mini-série de cinq épisodes avec Woody Harrelson et Justin Theroux, dont Jeff Cardoni signe la musique. Diffusée par HBO depuis début mai, mais actuellement indisponible en Suisse romande, elle raconte le scandale politique du Watergate, qui a poussé le président Nixon à démissionner en 1974.

Cette page d’histoire américaine a constamment intéressé Hollywood. De façon directe ou indirecte, le Watergate a inspiré de nombreux longs métrages qui mettent en scène des intrigues de complots, réels ou fictifs, dans des années bouleversées par la Guerre froide et les chocs pétroliers.

Outre leur sujet, ces films ont un autre point commun: leurs musiques, qui ont su parfaitement restituer le climat angoissant et paranoïaque des années 1970 américaines. Une atmosphère musicale fidèlement reproduite par Jeff Cardoni, en 2023, dans la série HBO "White House Plumbers".

Une recette musicale simple

Sorti en 1976, moins de deux ans après la démission de Richard Nixon, "Les hommes du président" est un film à succès réalisé par Alan J. Pakula. Il met en scène Carl Bernstein et Bob Woodward, les deux journalistes du Washington Post qui ont enquêté sur le cambriolage des bureaux du Parti démocrate de 1972, point de départ du Watergate.

Dustin Hoffman et Robert Redford en 1976 dans "Les hommes du président" de Alan J. Pakula. [AFP - Warner Bros]
Dustin Hoffman et Robert Redford en 1976 dans "Les hommes du président" de Alan J. Pakula. [AFP - Warner Bros]

Pour la partition, Pakula fait appel au compositeur David Shire. Spécialiste des comédies musicales (les instrumentaux de "La fièvre du samedi soir", c’est lui!), David Shire est aussi un artisan des productions indépendantes hollywoodiennes de cette période. Sa recette pour "Les hommes du président" est simple: orchestre de taille moyenne, instruments électrifiés, tonalités mineures, dissonance.

Discret support de l'action

La tendance est au réalisme et à l’économie de moyens. La bande originale devient un support discret de l’action, elle doit accompagner un récit naturaliste et sans fioritures, et se faire rare. Dans "Les hommes du président", on ne dénombre que douze minutes de musique en tout et pour tout.

On retrouve les mêmes ingrédients musicaux dans un autre film de Alan J. Pakula, "À cause d’un assassinat" (1974). Warren Beatty en est l’acteur principal et Michael Small compose sa bande-son. Michael Small est un autre compositeur important de ces années Watergate, qui a très bien saisi l’esprit de son époque. Il a ainsi composé pour quelques classiques du genre, tels que "Klute", "Les Femmes de Stepford" et "Marathon Man". Dans tous ces films, la musique accentue la tension et l’angoisse des personnages confrontés à des menaces souvent invisibles.

John Williams retourne aux fondamentaux

Après avoir été déclinées dans plusieurs films, ces sonorités dissonantes et inquiétantes ont fini par former le son typique des polars politiques des années 1970. Elles se sont inscrites dans l'inconscient cinéphile et le compositeur John Williams s'en est bien souvenu.

À côté de ses partitions flamboyantes pour les multiples "Star Wars" et "Indiana Jones", Williams a également posé quelques jalons dans le genre du thriller paranoïaque. On l’a entendu sur "JFK" (1991) et "Nixon" (1995), des films réalisés par Oliver Stone. Plus récemment, John Williams a mis en musique "Pentagon Papers" (2017), un film de son complice de toujours, Steven Spielberg.

L’action se passe en 1971. Des documents secrets sur l’engagement militaire au Vietnam sont publiés dans la presse. Ils révèlent que celui-ci est bien plus important, et bien plus ancien, que ce que le grand public pouvait imaginer.

John Williams a composé pour ces "Pentagon Papers" une partition qui puise dans les sons des années 1970. La musique est oppressante, elle annonce les forces menaçantes qui planent sur les événements. Et en même temps, elle renvoie les personnages du film à leur impuissance et à leur isolement.

Atmosphère inquiétante

Ce sentiment a été parfaitement compris par le compositeur David Shire. Il est au cœur d’une de ses compositions majeures, la musique de "Conversation secrète". Dans ce film de Francis Ford Coppola, daté de 1974, le personnage de Gene Hackman pratique l’espionnage pour le compte de clients privés. Sa solitude s'entend dans la bande originale par le biais d’un seul instrument: le piano solo, teinté de jazz qui illustre l’atmosphère inquiétante et mélancolique qui plane sur les récits des années Watergate.

Sujet radio: Pascal Knoerr

Adaptation web: mh

"White House Plumbers", mini-série de 5 épisodes, diffusée depuis le 2 mai par HBO. La série devrait être diffusée par la RTS dans le courant du deuxième semestre 2023.

Publié