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Batman, un super-héros de choix pour la musique de film

Batman, un super-héros de choix pour la musique de film. [Warner Bros. Pictures / Syncopy / DC Entertainment / Legendary Pictures / AFP]
Batman, un super-héros de choix pour la musique de film / L'Echo des Pavanes / 18 min. / le 26 février 2022
À l'occasion de la sortie en salles de "The Batman" de Matt Reeves, avec Robert Pattinson dans le rôle-titre, petit survol des différentes identités musicales du vengeur de Gotham City, qui ont évolué avec les époques et les modes.

Derrière Batman, le vengeur masqué emblématique de Gotham City créé par les Américains Bob Kane et Bill Finger en 1939, se cache Bruce Wayne, milliardaire charismatique hanté par le souvenir de ses parents assassinés sous ses yeux alors qu'il était enfant. Le mythique super-héros de bande dessinée a fait l'objet d'innombrables transpositions à la télévision, au cinéma et en jeux vidéo.

Au fil du temps, l'homme chauve-souris a été incarné par de nombreux acteurs, et a aussi eu la chance de voir ses aventures mises en musique par plusieurs compositeurs de premier plan: Danny Elfman, Hans Zimmer, James Newton Howard ou Michael Giacchino.

De la pop culture à la partition symphonique

La première musique associée à Batman est le générique de la série télévisée avec Adam West, produite de 1966 à 1968. On le doit au compositeur Neal Hefti, un pur produit de la fin des années 1960: joyeux, coloré, entraînant. Longtemps, les super-héros comme Batman, Superman ou Spider-Man ont été considérés comme des objets de divertissement populaires à destination des plus jeunes, sans relief particulier.

Le changement intervient dans les années 1980, alors que les bandes dessinées américaines à grand tirage - les comics - prennent un virage radical et évoluent vers des formes et des propos plus matures. C'est l'époque de "Watchmen" et de "The Dark Knight Returns", des titres qui ont contribué à donner leurs lettres de noblesse aux comics et à les ancrer durablement dans la pop culture. Ce n'est donc pas un hasard si le premier grand film "Batman", de Tim Burton, adopte un ton plus sérieux, plus porté sur le film noir.

Le film, sorti en 1989 et porté par Michael Keaton en Batman et Jack Nicholson en inoubliable Joker, fait un carton au box-office mondial. À l'époque, la médiatisation du film a surtout profité aux chansons de l'artiste Prince, spécialement écrites pour le film et gros succès des ventes. Mais on se souvient aujourd'hui tout autant, si ce n'est plus, du thème principal du film et de sa partition symphonique, composée à l'époque par un petit nouveau, un certain Danny Elfman.

Rythmiques complexes et orchestrations solennelles

Grâce à cette musique, Danny Elfman entre dans le cercle des compositeurs de cinéma incontournables. Son thème de Batman va être popularisé par ce premier film, par sa suite, "Batman Returns", mais également par la célèbre série animée consacrée au héros masqué (de 1992 et jusqu'en 1995). Son générique reprend tel quel le thème de Danny Elfman.

Avec ce thème, Batman rompt définitivement avec le caractère pop que l'on associait pendant deux décennies au personnage, et il permet d'approfondir la dimension double de Batman, avec son motif héroïque porté par des rythmiques complexes et des orchestrations solennelles. Danny Elfman n'a jamais caché qu'il allait puiser son inspiration dans les musiques de films de Bernard Herrmann, et qu'il sortait les grandes orgues afin de rendre hommage aux épopées et aux séries B de son enfance.

Avec Tim Burton et Danny Elfman, Batman n'est plus un héros de papier-mâché mais un anti-héros de film noir qui affronte des adversaires frappés de démence, sur fond de décors gothiques, dans une ambiance parfois proche du Grand-Guignol. Cette approche est accentuée au cinéma dans "Batman Returns", qui voyait Michael Keaton affronter plus tard Danny de Vito en Pingouin et Michelle Pfeiffer en Catwoman. La tragédie est à son paroxysme, et Danny Elfman la restitue musicalement avec des pages symphoniques qui demeurent encore parmi ses plus belles compositions.

Une nouvelle identité sonore pour le renouveau de Batman

La signature musicale de Danny Elfman va persister jusqu'au milieu des années 2000. Après quelques errances - notamment les films de Joel Schumacher "Batman Forever" et "Batman & Robin" -, l'univers de Batman connaît un nouveau lifting que l'on doit au réalisateur Christopher Nolan avec sa fameuse trilogie initiée en 2005 avec "Batman Begins".

Cette nouvelle proposition s'accompagne évidemment d'une nouvelle identité sonore, et ce sont les compositeurs Hans Zimmer et James Newton Howard, qui vont avoir la lourde tâche de faire oublier la patte de Danny Elfman. Ils y parviennent, non sans un certain succès, et produisent une partition qui se distingue par des motifs étirés en longueur, par une écriture divisée à parts égales entre orchestral et électronique, et par des thèmes d'action typiques du début du 21e siècle.

Batman version 2022, un retour aux fondamentaux

Le dernier "Batman" vient de sortir sur les écrans. On le doit à Matt Reeves, cinéaste plutôt rare que l'on connaît surtout pour être le réalisateur du surprenant "Cloverfield". Pour la musique, le réalisateur a fait appel à son complice de la première heure, Michael Giacchino. Giacchino, c'est la nouvelle coqueluche d'Hollywood: il est indissociable du travail du cinéaste JJ Abrams, qui a lancé sa carrière, et il est aujourd'hui sur toutes les grosses productions, de "Star Trek" à "Star Wars: Rogue One" en passant par les studios Disney, Pixar et Marvel. Rien d'étonnant à ce qu'on le retrouve à la tête de ce nouveau défi.

À l'écoute de la bande originale, on constate que Giacchino s'affirme comme le spécialiste de la synthèse entre le passé et le contemporain. S'il ne renie pas complètement le son électronique de Hans Zimmer, il prend surtout le parti de convoquer les sonorités symphoniques grandioses de son prédécesseur Danny Elfman, et de marier les deux. En découle une musique ample et percutante, parfaitement à l'image de ce que l'on peut attendre de "The Batman" de Matt Reeves, sorti le 2 mars dernier.

Sujet radio: Pascal Knoerr

Adaptation web: Lara Donnet

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