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Mikis Theodorakis, compositeur de "Zorba le Grec", est décédé

Figure de la résistance contre la dictature des colonels, le compositeur grec Mikis Theodorakis n'est plus
Figure de la résistance contre la dictature des colonels, le compositeur grec Mikis Theodorakis n'est plus / 12h45 / 42 sec. / le 2 septembre 2021
Ancien résistant et opposant à la dictature des colonels, le compositeur grec Mikis Theodorakis est décédé à l'âge de 96 ans. Il était l'auteur d'une oeuvre gigantesque et avait connu le succès grâce à la musique du film "Zorba le Grec" sorti en 1964.

Né le 29 juillet 1925 à Chios, en Egée, dans une famille d'origine crétoise, Mikis Theodorakis était un artiste prolifique qui a dominé la scène grecque dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Connu pour ses musiques de film, comme pour ses chansons, il a aussi composé de très nombreuses mélodies pour des hymnes, opéras, ballets, musique symphonique et musique de chambre. Il est mort à l'âge de 96 ans à Athènes, a-t-on appris jeudi de source hospitalière.

"Une partie de l'âme de la Grèce"

"Aujourd'hui nous avons perdu une partie de l'âme de la Grèce", a déploré la ministre grecque de la culture Lina Mendoni. "Mikis Theodorakis, notre Mikis à tous, l'enseignant, l'intellectuel, le résistant, est parti. Celui qui a fait chanter des poètes à tous les Grecs", a-t-elle ajouté.

La présidente de la République Eikaterini Sakellaropoulou a quant à elle salué "un créateur grec et en même temps universel, un atout inestimable de notre culture musicale (...) qui a dédié sa vie à la musique, aux arts, à notre pays et à ses habitants, aux idées de liberté, de justice, d'égalité, de solidarité sociale".

"Avec une profonde émotion et des applaudissements incessants, nous disons au revoir à Mikis Theodorakis, activiste-créateur, leader et pionnier d'un nouvel art combatif en musique", a déclaré jeudi le parti communiste grec.

Le fameux sirtaki de "Zorba le Grec"

La composition qui a rendu célèbre Mikis Theodorakis et qui a fait le tour du monde est celle que l'on peut entendre dans le film "Zorba le Grec" de Michael Cacoyannis sorti en 1964. Dans la scène finale devenue mythique, les acteurs Anthony Quinn et Alan Bates dansent un sirtaki sur une plage.

"Cacoyannis est venu un jour me dire: demain, nous tournerons la scène finale. Pour elle, j'ai besoin d'une danse lente, d'un hassapiko, qui deviendra de plus en plus rapide. Nous tournerons la scène en playback", racontait à propos de ce titre Mikis Theodorakis sur un site internet qui lui est consacré.

"Je vais avec trois musiciens dans le studio et reprends une mélodie d'un autre film: 'Faubourg des rêves', une danse crétoise qu'Anthony Quinn aimait beaucoup, et j'en ai fait une improvisation, toujours avec l'idée d'écrire plus tard une composition spécifique pour la scène. Mais quand nous voyons le résultat, la danse sur cet air est tellement irrésistible que nous n'y changeons plus rien", poursuivait-il.

Depuis, le thème principal de la bande originale du film est devenu l'air de musique grecque le plus connu au monde. Il symbolise ce pays jusqu'au cliché tout en contribuant à populariser le bouzouki et ouvrant la voie à un intérêt croissant pour la musique grecque et notamment pour le "rebetiko", musique lente et triste.

>> Les précisions dans le 12h30 :

Le compositeur et résistant grece Mikis Theodorakis. Ici en 2015. [AFP - Orestis Panagiotou]AFP - Orestis Panagiotou
Le compositeur Mikis Theodorakis est décédé à l’âge de 96 ans / Le 12h30 / 1 min. / le 2 septembre 2021

Symbole de la résistance

Mikis Theodorakis est aussi devenu le symbole de la résistance en Grèce à travers les époques. Engagé auprès des communistes au cours de la guerre civile qui éclate en Grèce à la suite du second conflit mondial, il est déporté dans l'île-bagne de Macronissos, où il est torturé.

Dès le début de la dictature des Colonels, qui démarre le 21 avril 1967, Theodorakis est arrêté. En 1969, alors qu'il est toujours emprisonné, le réalisateur Costa-Gavras fait appel à lui pour faire la musique de "Z", un film en forme de réquisitoire contre les dictatures et qui raconte l’histoire vraie de l’assassinat du député grec Grigoris Lambrakis en mai 1963.

Sous pression de la communauté internationale, la junte est finalement contrainte de laisser partir, à Paris.

>> A voir, une archive de la RTS de 1973. Alors exilé, Mikis Theodorakis multiplie les tournées en Europe et dans le monde avec son orchestre. On reconnaît la célèbre chanteuse Maria Farantouri, qui accompagnera Theodorakis dans de nombreuses aventures musicales. :

Le compositeur est en exil avec son orchestre et la chanteuse Farantouri. [RTS]
Mikis Theodorakis / Plateau libre / 14 min. / le 5 septembre 1973

Au moment de l'effondrement de la dictature en 1974, une foule immense l'accueille à son retour le 24 juillet à l'aéroport d'Athènes, scandant son prénom.

>> A voir, Mikis Theodorakis interviewé en 1988 au téléjournal pour présenter un concert qui doit avoir lieu le soir même à Genève. L'occasion aussi de rappeler son rôle de symbole de la liberté durant la dictature des colonels. :

En 1988, Mikis Theodorakis est de passage pour une série de concerts. [RTS]
Mikis Theodorakis / TJ midi / 6 min. / le 29 janvier 1988

Opposé à la politique d'austérité

Bravant une santé fragile, il montait encore régulièrement sur scène ces dernières années, pour recueillir les acclamations de milliers de compatriotes.

Au déclenchement de la crise grecque en 2010, il s'était dressé contre la tutelle et l'austérité imposées au pays par le FMI et l'UE, essuyant même des gaz lacrymogènes lors d'une violente manifestation en février 2012.

"Que ceux qui traitent le peuple comme une ordure sachent que ces ordures peuvent devenir de la dynamite", lançait-il encore aux journalistes en mars 2017. Qualifiant au passage la chancelière allemande Angela Merkel et son ex-ministre des Finances Wolfgang Schäuble "de carnassiers".

aq avec agences

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Quelques dérapages

Le droit de regard qu'il a revendiqué jusqu'au bout sur les évolutions politiques a plusieurs fois fait déraper Mikis Theodorakis.

Il avait ainsi comparé Georges Bush à Hitler, ou qualifié en 2003 le peuple juif de "racine du mal", après avoir longtemps concilié engagement pro-palestinien et amitié avec Israël.

Il avait aussi apporté sa caution en février 2018 aux franges les plus nationalistes de l'opinion publique grecque, opposées à tout accord sur le partage du nom de la province septentrionale de Macédoine avec le petit État voisin.

"Mes frères, fascistes, racistes"... son adresse à la foule pendant une grande manifestation organisée alors à Athènes avait choqué.