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"La mélancolie me rend heureuse", estime la chanteuse française Hoshi

La chanteuse Mathilde Gerner aka Hoshi. [AFP - Alain Jocard]
L'invitée: Hoshi, "Etoile flippante" / Vertigo / 22 min. / le 7 juillet 2021
Auteure, compositrice et interprète française, Hoshi dévoile treize nouveaux titres dans "Etoile flippante", une réédition augmentée de son deuxième album intitulé "Sommeil levant". Elle sera en concert en septembre aux Docks de Lausanne.

C’est quoi une belle chanson? Sans doute une chanson qui vient des tripes, qui touche au cœur, qui tacle le cerveau. Une parole du corps, des organes. Mais aussi du corps social, peut-être. C'est un texte, une mélodie et une énergie qui donnent envie de se relier à soi et à plus que soi, aux autres, envie d’être ensemble, à tue-tête ou en choeur. Il y a de tout cela dans les chansons de Hoshi. De l'amour, beaucoup, de l’engagement sensible, sincère, intime et citoyen pour moins de haine et plus d’encouragement à voir ce qui nous réunit, poussières d’étoiles autant que nous sommes. Étoile, justement: en japonais, ça se dit "Hoshi".

Elle vient de sortir une réédition de son album "Sommeil levant", augmentée de treize nouveaux titres, dont le tube "Et même après je t’aimerai" et le superbe duo "Pleurs de fumoir" avec Benjamin Biolay.

Pourquoi une version augmentée? Parce que l’artiste n’a pas pu défendre son deuxième album, sorti en pleine crise sanitaire, sur scène. Intimes et tranchés, on retrouve dans les 27 titres de belles collaborations, notamment avec le jeune rappeur FIVE ("J’attends mon heure") et même un featuring avec sa Babouchka ("Mieux avant").

Chanter avec sa Babouchka

Si Hoshi fait chanter aussi sa grand-mère, c'est parce qu'il était important d'avoir près d'elle son pilier, la base de sa vie. "C’est quelqu'un qui m’a toujours encouragé pour faire ce que j’aimais. Elle est tellement à fond, elle écoute toutes mes interviews, elle regarde tous mes passages à la télévision. Il fallait qu’elle vienne dans ce projet", raconte la chanteuse française à la RTS.

La faire chanter aussi pour dire que... ce n’était pas mieux avant. Sa grand-mère a vécu dans une famille de six enfants qu'elle a élevés dans la pauvreté. "Crois-moi, tu n’aurais pas aimé vivre ce que j’ai vécu", lui dit sa grand-mère lorsque Hoshi se plaint d'être née à la mauvaise époque. "On a conclu toutes les deux que ce sera mieux après".

Juste être heureuse

A seulement 18 ans, Hoshi (Mathilde Gerner de son vrai nom) décide de faire de la rue sa première scène. "Ce qui me faisait flipper à l'époque, c’était l'idée de faire un métier qui n’allait pas me rendre heureuse ou d’avoir une vie que je ne voulais pas", dit-elle. Si elle fait tout le contraire de ce qu'elle aurait dû, c'est tout simplement pour être heureuse.

J’ai peur de l’éphémère, peur du temps qui passe, je suis une boule d’anxiété.

Hoshi

Pas facile d'être heureuse pour cette grande flippée de la vie. Parce qu'il y a cette peur qui lui colle si souvent à la peau. Mais elle en parle, elle va au contact.

"J’ai vite capté que dans la vie, tout ce qui nous fait peur, il faut l’affronter, explique Hoshi. Mes peurs, je les accepte. Je suis très insomniaque, alors la nuit j’écris des chansons, je lis des mangas, je fais des choses qui me font du bien."

Souffrant de la maladie de Menière qui lui a fait perdre 40% de son audition, c’est encore et toujours la peur qui habite l’artiste avant le début d’une tournée. Peur de faire "des trucs chelou sur scène", de tomber ou de ne pas pouvoir assurer un concert. Mais ce qui la rassure est d'en parler, pour être sûre que son public, ses fans, soient au courant et la comprennent.

Tout a commencé avec "Ta marinière"

Son premier succès important c'est "Ta marinière", une chanson qu'elle chantait dans les rues de Saint-Quentin-en-Yvelines, en région parisienne, là où elle a grandi, entre quelques reprises des Cranberries et de Nirvana. C'est quand elle chantait dans la rue, seule avec sa guitare, qu'elle glissait de temps en temps ses propres textes écrits dès l’âge de 15 ans.

Une chanson née en rentrant d’une soirée "avec un petit coup dans le nez", confie-t-elle. Elle voit une marinière accrochée dans sa chambre et l’idée d’un trait d’union lui est venue. "J’ai écrit une histoire d’amour tumultueuse en utilisant un lexique marin et des images en référence à la mer".

L’alcool n’aidant pas, le lendemain elle n'a plus aucun souvenir de la chanson. Mais quelques jours après, en jouant dans la rue, elle voit quelqu’un avec une marinière. Elle ressort le texte qu’elle avait écrit en note sur son téléphone et la chanson naît.

"En général, j’écris le titre avant, ensuite un bout de texte, et c'est après que je mets une mélodie et que je complète le texte. Tout se fait en même temps mais ça part toujours d’un texte", détaille Hoshi.

Je ne prends jamais le risque de raconter une histoire que je n’ai pas vécue, parce que j’ai peur de me lasser des chansons, peur de ne pas pouvoir assumer un rôle qui n’est pas le mien.

Hoshi

Le titre "Enfant clown", inclus dans la réédition "Etoile flippante", raconte un bout d'elle. Elle qui faisait rire ses camardes d'école. Elle, l'enfant timide. "On m’a noté plein de fois absente, alors que j’étais dans la classe".

Plus tard, adolescente, Hoshi était un fantôme, dit-elle. "J’étais avec ma guitare au fond de la classe, discrète, je ne parlais pas trop". Elle était l'enfant-clown qui ne se faisait pas remarquer.

Des combats et des engagements

Aujourd'hui, à 24 ans, Hoshi parle, raconte à travers sa musique ses combats et son engagement pour la communauté LGBTIQ+, notamment. "Est-ce qu'on va un jour en finir/ Avec la haine et les injures/ Est-ce que quelqu'un viendra leur dire/ Qu'on s'aime et que c'est pas impur", chante-t-elle dans "Amour Censure", premier single de son deuxième album.

La chanteuse a fait l'une des couvertures du magazine TÊTU avec ce titre, "Fière". Un documentaire sur les coulisses de la création de l'album "Etoile flippante" vient également d'être publié sur YouTube. Elle y raconte sans tabou ses joies, ses blessures, son histoire. Sans peur aucune.

Propos recueillis par Anne-Laure Gannac

Adaptation web: Miruna Coca-Cozma

Hoshi, "Etoile flippante" (Jo & Co).

Hoshi en concert aux Docks, Lausanne, le 24 septembre 2021.

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