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Un livre dévoile les coulisses de la carrière musicale de Serge Gainsbourg

Le Gainsbook, en studio avec Serge Gainsbourg. [éditions Seghers]
L’invité du 12h30 - Christophe Geudin, un des auteurs du livre "Le Gainsbook, en studio avec Serge Gainsbourg" / L'invité du 12h30 / 10 min. / le 29 octobre 2019
"Le Gainsbook: en studio avec Serge Gainsbourg" part à la rencontre de plus de 60 musiciens, ingénieurs du son et autres témoins directs du parcours musical de Gainsbourg. Une enquête qui s’est étalée sur plus de vingt ans.

La discographie de Serge Gainsbourg compte seize albums et représente plus de trente ans de carrière. "Le Gainsbook: en studio avec Serge Gainsbourg" est par ailleurs publié parallèlement à la sortie d’une compilation de trois disques intitulée "En studio avec Serge Gainsbourg" (Universal Music).

En 1958, Gainsbourg a 30 ans. Il commence sa carrière de chanteur et sort une chanson devenue célèbre depuis, "Le poinçonneur des Lilas". Le flûtiste que l'on entend au début du morceau dans la version gravée sur disque se nomme Raymond Guiot. Âgé de plus de 90 ans, il a été retrouvé par les auteurs du livre qui ont pu l'interroger sur les séances d’enregistrements de l’époque.

Mutique et réservé

A ses débuts, lit-on dans "Gainsbook", Serge Gainsbourg était assez réservé avec ses musiciens. Il fumait en écoutant, mais ne leur adressait pas la parole, sans doute par timidité, révèle à la RTS l'un des co-auteurs de l'ouvrage, Christophe Geudin. Au fur et à mesure des années, le chanteur se fera plus chaleureux.

Hélas Gainsbourg, grand amateur de jazz, arrive trop tôt avec "Le poinçonneur des Lilas". La chanson ne connaît pas le succès escompté. Le schéma se répète quelques temps plus tard avec "La Javanaise". Ce morceau devenu culte reste assez confidentiel à l'époque. Présenté à Juliette Gréco un soir de l’été 1962, le texte de la chanson, écrit en argot "javanais", garde depuis plus de 50 ans sa part de mystère.

Trop en avance sur son temps

Plus tard, Gainsbourg sort d'autres chansons avant-gardistes comme "Couleur café" en 1964 sur des rythmes africains et des percussions. Elles non plus ne trouvent pas leur public. En réalité, Gainsbourg a mis près de 20 ans pour être reconnu en tant que chanteur. Un manque de succès qui peut être imputé à son côté visionnaire et à son attitude à contre-courant des autres chanteurs pop des années 1950-1960. "Il était très timide, il tournait souvent le dos au public. Ce n'était pas vraiment un type chaleureux, y compris sur scène. Et il ne cessait de vouloir percer de nouveaux courants, que ce soit le jazz, la chanson, plus tard la pop, le rock, le funk.

Serge Gainsbourg était toujours un peu en avance. C'est la raison pour laquelle toutes ces chansons magnifiques, que l'on connaît aujourd'hui par coeur, ne passaient pas à la radio à l'époque.

Christophe Geudin, co-auteur de "Le Gainsbook: en studio avec Serge Gainsbourg"

Le succès, pour les autres

Gainsbourg gagne sa vie en écrivant pour les autres. C’est lui qui signe "Poupée de cire, poupée de son" pour France Gall, qui gagne l’Eurovision en 1965. C’est lui encore qui lance la carrière discographique de Brigitte Bardot avec un autre morceau célèbre, "Harley Davidson", en octobre 1967. La basse saturée que l'on entend au début a une histoire amusante: le bassiste plaisantait en tentant d’imiter une moto et le son a été gardé.

L'enregistrement date d'il y a plus de 50 ans, mais les musiciens se souviennent encore aujourd'hui de l'arrivée de Bardot et Gainsbourg au studio, explique Christophe Geudin. "Il est tard, les musiciens sont fatigués et soudain débarquent les deux artistes, avec une caisse de champagne, dont 2 bouteilles ont déjà été bues. L'ambiance est si bonne que Brigitte Bardot s'empare du micro et se met à chanter la chanson, ce qui n'arrivait jamais à l'époque puisque les artistes venaient chanter après l'enregistrement des playbacks. C'est dans cette euphorie ambiante que le bassiste a l'idée d'imiter le son de la moto avec sa basse. Et c'est ce qui donne l'intro légendaire de cette chanson".

Mais l’histoire entre Gainsbourg et Bardot se termine mal. Leur rupture en 68 aboutit à un nouvel album de Gainsbourg, "Initials B.B." et sur une chanson censurée que les deux tourtereaux ont enregistrée juste avant la rupture mais dont la version originale ne paraît que 20 ans plus tard, "Je t'aime moi non plus". Du coup, c’est une autre femme qui la chante avec lui en 1969, Jane Birkin.

La reconnaissance tardive

La chanson est un succès, mais ce n’est pas Gainsbourg qui figure sur la pochette du disque: c’est Jane Birkin et c'est elle qui est mise en avant.

Pour être reconnu tout seul en tant que chanteur, Gainsbourg devra encore attendre 10 ans. Il a déjà presque 50 ans et sa maison de disque menace de le licencier. "Sur un dernier pari, Gainsbourg embarque pour la Jamaïque pour faire un disque pas 'cher', y reste une semaine et revient avec une chanson qui devient son plus grand succès, 'Aux armes et caetera'", explique Christophe Geudin.

Le succès est immédiat, le morceau fait le tour du monde et ouvre à Serge Gainsbourg une consécration tardive et internationale.

Propos recueillis par Nadine Haltiner

Adaptation web: Melissa Härtel

Sébastien Merlet, Christophe Geudin, Jérémie Szpirglas, Andy Votel, "Le Gainsbook: en studio avec Serge Gainsbourg", éditions Seghers, 2019

A noter que la chanteuse et actrice Jane Birkin vient de publier la seconde partie de son autobiographie, "Post-Scriptum (1982-2013)", aux éditions Fayard.

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