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Alain Souchon, l'élégance intemporelle d'une écriture qui scrute l'époque

Le chanteur français Alain Souchon. [Warner Music - DR]
Séquence 2 / Vertigo / 26 min. / le 25 octobre 2019
Le chanteur français Alain Souchon est de retour, à 75 ans, avec un treizième album studio intitulé "Âme fifties". Il y réactive son écriture élégante et sa voix nonchalante où cohabitent éléments nostalgiques et d'actualité.

Après avoir imploré voilà onze ans déjà "Ecoutez d'où ma peine vient", revoilà Alain Souchon avec les couplets teintés de nostalgie de "Âme fifties". Un treizième album studio original, si l'on exclut les comptines de son enfance rassemblées dans "A cause d'elles" (2011), qui s'ouvre par un évocateur "Ferme les yeux vois" sur de lentes notes au piano, et se termine par "Ouvert la nuit", chanson plus mélodique et légère composée pour le générique du film éponyme d'Edouard Baer datée de 2016 et qui dit "On s'aime pas/ Mais on s'aime/ Ça ira pas/ Mais ça ira quand même".

Fidèle à son élégance textuelle depuis "J'ai 10 ans" en 1974, le chanteur français désormais âgé de 75 ans multiplie ici les références historiques, sociales et culturelles. Gabin, Verchuren, Radiola, Peugeot 203, Mick Jagger, Debussy, Fauré, Ronsard et lutte des classes se croisent dans son répertoire sépia et doux-amer. En contrepoint, le natif de Casablanca grandi entre France, Angleterre et Suisse juxtapose aussi des éléments d'actualité qui provoquent encore cette sensation de flou temporel qui lui est si chère, et lui permet de capter les tourments d'une époque ou les aspirations déçues. Ce qui donne par exemple le surprenant "Dans le Radiola/ André Verchuren/ Les enfants soldats/ Dans les montagnes algériennes" sur "Âme fifties".

Scrutateur de l'époque jamais moraliste

Ailleurs, on entend "Je regarde la France/ Avec ses lumières/ Ses souffrances/ J'vois au bord de l'Eure/ Une usine qu'on vend/ Et des hommes qui pleurent/ Devant" dans "Un terrain en pente". En peu de mots, tout est dit. En partenaire particulier de nos destins globalisés, l'éternel chanteur "jamais content" et nonchalant se montre encore ludique, tendre, poétique et sarcastique. Scrutateur jamais moraliste de nos duperies, désirs futiles, élans indociles ou des dérives d'une société capitaliste malade, Souchon brode donc élégamment dans la dentelle de ses thèmes chers.

En aventurier immobile, il évoque aussi un hobo planqué dans un wagon d'un train de marchandises au fil de "Ronsard Alabama", seule chanson du disque imaginée avec son complice Laurent Voulzy et inspirée par le poète français du XVIe siècle. Bref mais chic. Il se souvient aussi de son adolescence rock'n'roll au sein de sa famille éprise de musique classique dans le très beau "Debussy Gabriel Fauré".

Au final, dix nouvelles chansons de Souchon qui parviennent encore à toucher par leur légèreté sérieuse. Ce qu'il décrit comme "guilleret dans la gravité". Difficile de dire mieux.

Olivier Horner

Alain Souchon en concert à Genève, Arena, je 9 avril 2020.

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