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Violaine Huisman bouleverse la rentrée littéraire avec son premier roman

Violaine Huisman, 2017 [gallimard.fr - Beowulf Sheehan]
Violaine Huisman: "Fugitive parce que reine" / Versus-lire / 33 min. / le 23 février 2018
Entre autobiographie et fiction, "Fugitive parce que reine" de Violaine Huisman raconte l'amour inconditionnel entre une mère maniaco-dépressive et ses deux filles.

La critique est unanime à saluer "Fugitive parce que reine" (Ed. Gallimard), premier roman "bouleversant", "élégant", "parfaitement maîtrisé", "violent et drôle" de Violaine Huisman, 38 ans, traductrice. Ce récit autobiographique, dont le titre est tiré d'une phrase d'"Albertine disparue" de Proust, explore l’amour inconditionnel entre une mère et ses deux filles, une mère excessive en tout, d'une beauté stupéfiante, ex-danseuse à la patte folle, animée par un goût de la liberté insatiable, qui carbure à l'alcool, aux médicaments et à la cigarette. "Force de la nature" pour la littérature; "maniaco-dépressive" pour la médecine.

Le livre s'ouvre sur un double séisme: la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et celle de cette mère fantasque, internée brutalement sous les yeux de ses deux filles, Violaine, dix ans, et Elsa, douze ans. Comment en est-on arrivé là?

Portrait complexe d'une femme

Le livre est construit en trois parties. Dans la première, Violaine Huisman raconte ses souvenirs d'enfance. Dans la seconde, elle adopte le point de vue de sa mère, Catherine, et dresse le portrait d'une femme entrée dans la grande bourgeoisie par infraction. Issue d'un milieu plutôt modeste et populaire, elle n'en maîtrise pas les codes. En revanche, elle sait sublimer l'argent de son mari par sa beauté spectaculaire.

Premier roman de Violaine Huisman qui fait miroiter avec talent le réel et la fiction. [Gallimard]
Premier roman de Violaine Huisman qui fait miroiter avec talent le réel et la fiction. [Gallimard]

C'est ce décalage qui passionne l'auteure, la violence du luxe et celle d'un monde où la moindre faute de français désigne l'imposture de classe. Au-delà du récit intimiste, le livre est aussi une chronique de la France des années 47 à 89. La troisième partie évoque la mort de Catherine, et cet après qui laisse les filles orphelines.

L'autobiographie est aussi une fiction

Violaine Huisman estime que même si elle a vécu la plupart des scènes qu'elle raconte, son livre reste une fiction parce que "du moment où on prend la parole pour raconter, dès que l'on adopte un point de vue, on est dans la fiction". Et des points de vue, il y en a de nombreux dans ce premier roman qui se distingue par ses phrases très classiques, trouées de langage oral. "J'ai essayé d'être le plus juste possible et de donner à mes personnages la chance d'exister dans toutes leurs aspérités, notamment par l'usage du discours indirect libre", dit-elle à la RTS. C'est pourquoi, alors même qu'elle vit depuis plusieurs années à New York, Violaine Huisman n'aurait jamais pu l'écrire en anglais.

Heureuse de l'accueil fait à son premier roman, l'écrivaine dit aussi son plaisir à constater que la presse a évoqué à plusieurs reprises "Sexifrage", le poème autobiographique que sa mère, de son nom complet Catherine Creminitz, avait publié dans les années 80. De quoi parachever la réhabilitation de cette mère si terriblement romanesque. 

Propos recueillis par Sylvie Tanette/Réalisation web: Marie-Claude Martin

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