Il dérange, Régis Jauffret, et il aime ça. L'écrivain français, lauréat des prix Décembre 2003 pour "Univers, univers" et Femina 2005 pour "Asiles de fous", se fait connaître du grand public par la publication en 2007 de "Microfictions".
Dix ans plus tard, le voilà de retour avec ses nouvelles souvent glaçantes et pleines de la folie des hommes.
Des nouvelles brèves
"Microfictions 2018" est un recueil de 500 textes courts, où tout l'art de l'auteur est de tresser une intrigue en peu de mots, puis de la faire dérailler sans crier gare. Il y a cette mère qui menace de jeter son enfant dans la poubelle, cet oisif qui "chasse l'aube à grands coups de balai" ou ce Régis qui "peut-être brûle en enfer". Après un détour de quelques années vers le fait-divers (DSK, le banquier Edouard Stern, ou le pédophile autrichien Josef Fritzl), Jauffret délecte son lecteur avec ses fictions minuscules.
La lecture de ces brèves à l'humour monstre, amène le lecteur aux confins de l'humanité et au bord de l'angoisse. Puisque le noir y est roi, comme la pulsion, le crime est sans objet et la folie demeure pure.
Pas de limites
L'oeuvre littéraire de Régis Jauffret semble hantée par l'au-delà de la raison, par la disparition de toutes limites. A tel point que l'écrivain Marc-Edouard Nabe l'avait qualifié d'auteur du "glauque dépressif", et Jérôme Garcin, lui, l'avait désigné d' "écrivain le plus cruel et le plus doué de sa génération".
Dans le tome 2 des "Microfictions", Régis Jauffret joue avec son lecteur, comme un chat avec une souris, et place, de temps à autre, son avatar "Régis". Il parle aussi d'une Suisse fantasmée où le riche peut se faire injecter le sang du pauvre, pour espérer vivre plus longtemps.
Le rapport à l'autre y est vu comme un asservissement et le désordre semble, pour Régis Jauffret, l'unique antidote à la norme.
Son dernier livre s'avère être un organisme vivant, dont le tout est plus important que ses parties. C'est le nombre de 500 qui change la perception du lecteur et le plonge dans un univers total, où l'absurde est roi. Presque comme une machine dont il explore les rouages, pour mieux démonter le réel.
Linn Levy/mcc