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Avec "L'île de la Française", Metin Arditi livre une tragédie grecque pleine de mystères

L'écrivain Metin Arditi. [DR - Aline Kundig]
Entretien avec Metin Arditi, auteur de "L'île de la Française" / QWERTZ / 25 min. / le 23 avril 2024
L'histoire de "L'île de la Française", nouveau roman de Metin Arditi, débute en 1950 sur l'île grecque de Saint-Spyridon. Après quatre ans de guerre civile, les habitants de cette oasis tentent de survivre à la misère et à la famine. Pressée par la nécessité, Clio, 13 ans, entre comme novice au monastère de l'île.

Metin Arditi publie un nouveau roman intitulé "L'île de la Française" qui brasse les thèmes favoris de l'auteur suisse: l'art, l'exil, le mystère de la filiation, la foi et le rapport au corps au travers de l'histoire d'Odile, une photographe française, et Clio, une jeune nonne grecque.

Installée depuis de nombreuses années à Saint-Spyridon, un village au large de la côte turque, Odile aime profondément le lieu et ses habitants. Clio, une jeune fille de l'île, l'aide au ménage. Se développe entre la Française et la jeune Grecque une amitié complice. Pénélope, la fille d'Odile, vit douloureusement cette relation filiale entre Clio et sa mère.

Une vie monastique douloureuse

Arrivée à l'âge où tant de filles de l'île prennent le voile, par nécessité, Clio a 13 ans lorsqu'elle entre au monastère de Saint-Spyridon. Elle n'a aucune idée de ce qui l'attend. Andonià, l'higoumène (supérieure de ce monastère orthodoxe) lui fait vite comprendre que son corps et son âme appartiennent désormais au Christ et ajoute qu'il lui faudra dès lors être "aussi proche de lui qu'il est possible de l'être".

En voyant les scarifications sur les mains et les pieds de ses compagnes, Clio comprend que cette proximité avec le Christ suppose d'être proche de sa douleur au moment de la crucifixion. Pour se faire accepter par l'ensemble du monastère, la nouvelle arrivée se met elle aussi à s'automutiler.

Inspiré de faits réels

Pour raconter le quotidien des nonnes, Metin Arditi explique dans le podcast QWERTZ du 23 avril s'être largement inspiré du véritable règlement d'un monastère français orthodoxe datant des années 1970. Puis d'ajouter: "Dans mon roman, j'ai introduit les mutilations qui sont le symbole exagéré du dévouement à Dieu".

 Dans ce règlement, ce que j'ai trouvé incroyable, ce sont les termes employés. Ils sont d'une dureté effroyable. Et ce qui est très frappant, c'est l'abandon que l'on doit faire de soi-même et de son opinion afin de s'en remettre entièrement à l'higoumène.

Metin Arditi, écrivain

La disparition

Alors qu'Odile est en voyage à Paris, sa fille Pénélope se volatilise du jour au lendemain. Eperdue, elle rentre précipitamment sur l'île afin d'accompagner l'enquête en cours menée par Lakis, le policier en charge de l'affaire. Jour et nuit, il se démène pour retrouver la jeune femme de 16 ans, sans succès.   

Inconsolable, Odile demande au maire du village d'obtenir de l'higoumène du monastère une autorisation de sortie de Clio. Cela afin que la jeune moniale vienne lui tenir compagnie les après-midi. Alors que le règlement interdit toute sortie hors du couvent, l'higoumène finit par accepter.

Les mystères de la photographie

Une immense affection s'installe entre la jeune femme et Odile. Et c'est dans ce contexte que cette dernière enseigne à Clio les mystères de la photographie.

Les mutilations et les photos, c'est la même chose. Tu veux te convaincre que tu existes et tu te mutiles… La photo ne grave pas la vie dans la chair, elle l'inscrit sur le papier, mais le propos est le même. Rendre l'instant éternel.

Extrait de  "L'île de la Française" de Metin Arditi

Clio se révèle extrêmement sensible, douée et passionnée. Malgré ses renoncements, elle ramène en cachette, au sein du monastère, un petit appareil de la marque suisse Alpa. Elle commence par photographier sa camarade de cellule. Puis l'higoumène elle-même. Et enfin toutes les moniales. Grâce à la photographie, elle transforme le regard de ses camarades sur leurs corps, leur foi et leurs croyances.

Metin Arditi évoque, non sans émotion, son propre rapport à la photographie: "Il y a trente ans, je me suis retrouvé à la croisée des chemins. Car je faisais beaucoup de photo et je n'écrivais pas. Au départ, je pensais faire de la photographie mon métier et écrire durant mon temps libre. Et finalement, c'est le contraire qui m'est arrivé!".

Layla Shlonsky/olhor

Metin Arditi, "L'île de la Française", éd. Grasset, mars 2024.

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