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Dans "Insula", Caroline Caugant évoque une île réparatrice au cœur de l’océan

L'écrivaine Caroline Caugant. [DR - Bénédicte Roscot]
Entretien avec Caroline Caugant, autrice de "Insula" / QWERTZ / 22 min. / le 18 janvier 2024
Comment se reconstruire après un événement traumatique? Dans "Insula", un tremblement de terre change la destinée d’une jeune hôtesse de l’air. Sous la plume poétique et délicate de Caroline Caugant, sa renaissance passera par la force des éléments naturels et les histoires.

Printemps 2024. A Tokyo, les cerisiers sont en fleurs et Line pose ses valises dans la capitale. La jeune hôtesse de l’air flâne dans les rues de Takeshita Street, comptant bien profiter de son court séjour. Mais voilà qu’un tremblement de terre de magnitude 9,5 survient. La jeune femme est littéralement avalée par la terre. Elle en ressort miraculeusement huit jours plus tard, avant d’être rapatriée à Paris. Mais le plus dur reste à venir: comment revenir d’un tel voyage?

Pas de retour à la normale

Pour nourrir son récit et être au plus proche de la réalité, Caroline Caugant a lu de nombreux ouvrages, dont des témoignages du grand séisme du Kantō de 1923. Les survivants font notamment état d’un bruit qui s’apparente au cri d’une bête et de la poussière omniprésente.

Durant ses huit jours passés sous terre, Line vit dans l’obscurité, l’angoisse et l’intemporalité. Paradoxalement, c’est "l’après" de sa vie parisienne qui lui semble insurmontable, entre les bruits vécus comme des agressions, un amoureux dans le déni et des amis qui l’incitent à oublier, tout en lui rappelant la chance qu’elle a.

Dans ce monde qui aimait tant discourir sur la force des résilients, quelle place y avait-il pour les immobilisés, les démissionnaires?

Extrait de "Insula" de Caroline Caugant

Line, tout comme Lazare de Béthanie après sa résurrection, n’arrive pas à reprendre le cours de son existence. Pour renaître, la jeune femme n’a d’autre choix que de partir sur une île de l’Atlantique.

Eloge de la délicatesse

Une île plate, traversée par des marais salants et des plateaux rocheux, paradis des oiseaux, des crustacés et des fruits de mer, l’île imaginée par Caroline Caugant est pourtant fictive, "un doux mélange de Charente-Maritime avec des embruns bretons", affirme l’autrice en souriant.

Je voulais un lieu de contes, un lieu métaphorique de la reconstruction de Line. Volontairement, je ne lui ai pas donné de nom, de manière à ce que les lecteurs puissent se projeter dans leur propre île.

Caroline Caugant

Le monde végétal et le monde animal tiennent également une grande part de responsabilité dans le processus de reconstruction de Line. Dans son regard, les hérons cendrés prennent l’allure de vieillards aussi chétifs que majestueux. Tout comme la beauté délicate des camélias "Margaret Davis" et leurs pétales blancs sertis de rose.

Fascination pour le Japon

Structuré en deux parties, "Insula" se penche d’abord sur Line la miraculée, avant de partir avec elle sur cette fameuse île soumise aux assauts du vent.

En revanche, les références au Japon se retrouvent tout au long des pages, que ce soit sous forme de poèmes aux allures de haïkus, ou grâce aux références mythologiques poétiques. Les fleurs de cerisier seraient les âmes des soldats morts au combat. Quant à l’origine des tremblements de terre, la légende dit qu’elle serait due à "Namazu", un poisson-chat géant vivant dans les profondeurs.

"Insula" nous rappelle la nécessité des histoires. Des histoires pour faire face à l’obscurité, des histoires pour donner du sens aux événements et se reconstruire.

Sarah Clément/aq

Caroline Caugant, "Insula", Seuil.

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