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"Veiller sur elle" de Jean-Baptiste Andrea, la grande saga de la rentrée

Le romancier français Jean-Baptiste Andrea. [Joel Saget]
Entretien avec Jean-Baptiste Andrea, auteur de "Veiller sur elle", aux éditions L'Iconoclaste. / QWERTZ / 25 min. / le 31 octobre 2023
Pour son quatrième roman, l'auteur français Jean-Baptiste Andrea a choisi de raconter le destin de deux personnages hors du commun dans l’Italie du début du XXe siècle. Mimo et Viola n’auraient jamais dû se rencontrer et pourtant un lien extraordinaire va se tisser entre eux.

Août 1986, abbaye de la Sacra di San Michele: un vieil homme est sur le point de mourir, veillé par des moines. Depuis quarante ans, il habite parmi eux pour "veiller sur elle". Elle, c’est sa dernière œuvre, une statue belle et mystérieuse qui bouleverse toutes celles et ceux qui la voient.

Le ton est donné dès les premières pages. Serait-ce un vestige de vingt ans de carrière comme scénariste dans le cinéma américain? Jean-Baptiste Andrea le reconnaît, "un bon roman doit susciter des images". Dans ce contexte, cela fonctionne très bien.

Un village de pierre rose

C’est dans un village fictif de Ligurie, Pietra d’Alba, que se rencontrent Mimo et Viola. Orphelin de père et de condition modeste, Mimo effectue un apprentissage de sculpteur chez un "oncle" brutal et alcoolique. Viola, elle, est une Orsini. La famille la plus puissante de la région a bâti son empire et sa fortune sur les agrumes.

De cette rencontre va naître une puissante amitié, traversée par deux guerres mondiales et la montée du fascisme. Mimo a beau partir à Florence et à Rome, devenir l'un des plus grands sculpteurs de son temps, les retours à Pietra d’Alba sont toujours teintés d’une certaine magie.

Néroli et cyprès, mimosa parfois, dansaient sur une note de fond de vétiver et de bois brûlé pour donner naissance à la fragrance la plus subtile et la plus secrète du monde. 'Hiver à Pietra d’Alba'.

Extrait de "Veiller sur elle" de Jean-Baptiste Andrea

Malgré la guerre et les privations, les odeurs persistent. Odeurs de la nature, des villes, de la pierre et même odeur des mères, celles qui sentent les cannoli et les autres le chagrin. Dans l’écriture de Jean-Baptiste Andrea, l’odorat tient une place prépondérante.

Ode aux femmes fortes

Si Mimo parvint à s’élever, Viola reste prisonnière de son statut: celui d’être née femme au début du XXe siècle. Sa position l’oblige à faire un mariage de convenance alors que sa vive intelligence la pousse à de grandes aspirations. Qu’importe, Viola n’en fait qu’à sa tête, elle dévore les livres de la bibliothèque de son père, écoute les morts la nuit dans les cimetières et rêve de voler.

Viola est une ode aux femmes fortes que je connais, c’est une héroïne qui essaie de déployer ses ailes. Je ne voulais pas la ramener à une vie sexuelle et sentimentale, je voulais qu’elle soit complètement libre.

Jean-Baptiste Andrea

Jean-Baptiste Andrea aurait pu choisir d’écrire une histoire d’amour entre ces deux personnages, mais il a préféré une amitié très forte et un peu folle, faite de pauses, de disputes et surtout de beaucoup d’amour.

Racines italiennes

Fils d’émigrés italiens, Mimo grandit dans le sud de la France jusqu’à ses douze ans. Le décès de son père pousse sa mère à le renvoyer en Italie pour y apprendre un métier. Pour le jeune homme, c’est le coup de foudre: "L’Italie et moi nous sommes étreints en vieux amis dès notre première rencontre."

Tout comme son personnage, Jean-Baptiste Andrea a des origines italiennes par sa mère et sa grand-mère. Durant son enfance, tout lien avec son pays d’origine est coupé, afin de s’intégrer "au mieux". A l’école, l’écrivain apprend l’allemand, car l’italien est "la langue des cancres".

"Cette déconnexion avec mes origines m’a beaucoup frustré, confie Jean-Baptiste Andrea. Ecrire 'Veiller sur elle' a été une manière pour moi de me reconnecter avec l’Italie, et cela, personne ne pouvait m’empêcher de le faire."

Grande saga romanesque et historique, ode aux femmes et à l’art, "Veiller sur elle" a déjà séduit bon nombre de lecteurs et lectrices. Prix du roman Fnac et finaliste du Goncourt et du Femina, on ne peut que lui souhaiter une belle suite de parcours.

Sarah Clément/mh

Jean-Baptiste Andrea, "Veiller sur elle", éditions L’Iconoclaste

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