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Un premier roman tout en rage et en lumière pour Jeanne Pham Tran

L'autrice Jeanne Pham Tran. [Editions Gallimard - Francesca Mantovani]
Entretien avec Jeanne Pham Tran, autrice de "De rage et de lumière" / QWERTZ / 26 min. / le 2 février 2023
"De rage et de lumière", premier roman de Jeanne Pham Tran, entremêle le portrait de Jack Preger, médecin des rues à Calcutta, et celui de sa mère, qui à Paris lutte contre la maladie qui va l'emporter.

C'est à la suite d'un film documentaire sur Jack Preger que Jeanne Pham Tran est hantée par l'idée d'aller en Inde rencontrer ce médecin des rues hors du commun. L'homme ne se laisse pas facilement approcher, il ne cherche pas la publicité, il la fuit.

Fuir, une thématique très présente dans "De rage et de lumière", son premier roman. Quand elle décide de partir en Inde, Jeanne laisse ses sœurs prendre le relais au chevet de leur mère qui se bat contre le cancer. Très vite elle s’interroge sur la véritable raison pour laquelle elle s’est mise en tête de chercher à tout prix à faire parler celui qu’elle va appeler le Grincheux.

Et si, plus que ma mère, ce n’est pas ma-mère-en-train-de-mourir que je fuis.

Jeanne Pham Tran, "De rage et de lumière"

Libérer l'encre

Au fil des visites, Jeanne parvient à se faire accepter par Jack et à établir de véritables échanges. Sans jamais se départir de sa bougonnerie, l’homme de 87 ans révèle en creux plusieurs facettes de sa vie, et renvoie aussi son interrogatrice à ses propres questionnements sur son parcours, et ce qui la lie aux siens.

Jack Preger va devenir celui qui permettra à Jeanne de "libérer l’encre" et, tout en dessinant le portrait du médecin anglais, d’entamer en parallèle l’écriture de celui de sa mère et d'une partie de son histoire familiale.

Peu à peu c’est la figure de la mère de Jeanne Pham Tran qui se juxtapose à celle de Jack Preger. Elle leur trouve des points communs, dont la foi: celle de sa mère, que Jeanne découvre avec étonnement aux derniers instants de sa vie lorsqu’elle lui pose la question. La réponse fuse: "Bien sûr que je crois en Dieu!"

Jack, quant à lui, enfant de Manchester, est issu d’une famille juive orthodoxe d’origine polonaise. Adulte il devient fermier au Pays de Galles, puis, séparé de sa première femme et de son premier fils, seul et isolé pendant huit ans, il est visité par le Paraclet (Saint-Esprit). Sa foi, fruit d’une révélation, sera à l’origine de sa conversion au catholicisme et de sa reconversion professionnelle. A 34 ans, il démarre son cursus de médecin.

Une forme de grâce

Une ébauche de parcours qui ne fait que débuter et que Jeanne Pham Tran parvient à retracer, en livrant un roman riche en mots et en émotions et où le recours à des formes de narrations diverses, dont des chapitres très courts, tiennent le lecteur curieux de la page qui suit, notamment des dialogues à venir piquants et nerveux entre Jack et l'autrice.

Il a fallu que ma mère meure pour que je réalise qu’elle ne mourrait jamais.

Jeanne Pham Tran «De rage et de lumière»

De ce premier roman se dégage une forme de grâce que tout semblait pourtant rendre impossible et tenir à distance: les bidonvilles de Calcutta, les hôpitaux parisiens, les démunis, la maladie, la souffrance, le chagrin et les échecs, tout comme les séparations et les deuils au sens propre et figuré des quatre personnages principaux, Jack, la mère de Jeanne, Jeanne et Calcutta. Et pourtant…

Céline O’Clin/aq

Jeanne Pham Tran, "De rage et de lumière", éditions Mercure de France.

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