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"Le syndrome du golem", un voyage au centre des utopies signé Mikaël Hirsch

L'écrivain Mikaël Hirsch. [DR]
Entretien avec Mikaël Hirsch, auteur du "Syndrome du golem" / QWERTZ / 23 min. / le 11 janvier 2022
Dans un roman fantastique et joueur qui brasse les époques et les contrées plus ou moins fantasmées, de l’Oberland au Tibet, de Prague à New York, Mikaël Hirsch retrace l’utopie de l’espéranto et interroge le rôle de la fiction dans la marche du monde.

Ils ont fait le rêve d’une langue sans frontière. D’un idiome propre à unir les nations. Dans cet élan prodigieux, ils ont enfanté de "denasculoj", ces êtres dotés de l’espéranto en guise de langue maternelle. Aujourd’hui, ces locutrices et locuteurs natifs seraient moins de mille à travers le monde. Une élite dont la raréfaction signe l’échec de l’utopie espérantiste, supplantée par le langage de la finance mondialisée.

Fasciné par cette aventure inféconde, Mikaël Hirsch en a fait un des fils narratifs de son "Syndrome du golem", roman tortueux aux frontières du fantastique. Quelque part entre Jules Verne, Mary Shelley et "Tintin au Tibet", l’auteur français invente une vallée secrète de l’Oberland dans laquelle son héros, Arnaud Vogel, est envoyé à 12 ans pour rejoindre une communauté d’espérantistes aux aspirations survivalistes.

Sauts spatio-temporels

Mais le séjour vire au cauchemar et les enfants, livrés à eux-mêmes dans un hiver glacial, doivent trouver le salut dans une montagne hantée par un monstre sanguinaire. Ainsi amorcé, le récit se transporte, par un savant jeu de miroirs et d’échos, dans le ghetto de Prague des années 1940 à la rencontre de Petr Ginz, personnage réel victime de la Shoah et auteur adolescent de romans et de dessins désormais cultes.

Avant de remonter à nouveau le temps, sur les traces d’explorateurs suisses au cœur de l’Himalaya, pour enfin renouer, par la grâce d’un nouveau saut spatio-temporel avec Arnaud Vogel, désormais adulte, dans le New York de l’après-11 septembre.

Il embrassait le temps dans sa complexité non linéaire, l’esprit se projetant sans cesse dans des dimensions que le corps ne peut habiter, anticipant et revenant en arrière.

Mikaël Hirsch, "Le syndrome du golem"

Comme dans un rêve

Vous n’avez pas tout suivi? Rien de plus normal. Car s’il ne se laisse pas aisément résumer, ce récit remarquablement construit obéit à une logique semblable à celle du rêve dans lequel le moindre détail est susceptible d’ouvrir l’imaginaire à d'autres mondes, d’autres fictions.

Constamment travaillé par cette tension entre le réel et son double fictionnel, "Le syndrome du golem" explore cette question dans de multiples directions, de la "Disneylandisation" des cultures traditionnelles à l’influence de la fiction sur le cours de nos vies.

Il s'était aperçu que sa langue natale était maintenant ramenée au rang de colifichet new age, au même titre que les cristaux de roche, les pendules et les bâtonnets d'encens. Lui-même, qui s'était senti à une époque le fer de lance d'une culture en pleine expansion, n'était plus qu'une curiosité à ranger sur les étagères de l'histoire.

Mikaël Hirsch, "Le syndrome du golem"

Car le "syndrome du golem" n’est rien d’autre que cette maladie qui nous guette toutes et tous: l’idée que la pensée magique de l’enfant, croyant influencer le monde par la puissance de son esprit, perdure parfois à l’âge adulte.

Prendre ses désirs, ou ses délires, pour des réalités: à l’ère des fake news et du complotisme, le diagnostic est sans appel.

Nicolas Julliard/ms

Mikaël Hirsch, "Le syndrome du golem", éd. Le Dilettante.

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