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"Après la foudre", Claire Fercak frappée par la grâce

L'écrivaine Claire Fercak. [Editions Flammarion]
Entretien avec Claire Fercak, autrice du roman "Après la foudre" / QWERTZ / 21 min. / le 9 novembre 2021
Claire Fercak, l’autrice de "Ce qui est nommé reste en vie" (Verticales 2020), s’intéresse au sort des fulgurés, ces gens qui ont été touchés par la foudre mais ont survécu. "Après la foudre" est un livre composite et curieux dont on ne sort pas indemne.

Ils ou elles ont un jour fait une expérience qui a bouleversé leur vie. Au cours d’une quelconque promenade, surpris par un orage inattendu, ces personnes ont été frappées par la foudre. Et se sont réveillées autres.

Curieux sort que celui des fulgurés – le terme désignant celles et ceux qui ont survécu à la colère du ciel, contrairement aux foudroyés qui y ont laissé leur vie. La romancière française Claire Fercak s’y intéresse dans "Après la foudre", un court livre passionnant, mêlant fiction et enquête. Elle a cherché dans la documentation disponible, compulsé des ouvrages médicaux, interrogé médecins et survivants.

Des fulgurés, des expériences

On apprend ainsi que ces gens ont fait l’expérience d’un temps arrêté, que leur corps chargé d’électricité présente des symptômes étranges durant des semaines ou des mois. Certains connaissent la dépression, perturbés durablement par la décharge qui les a traversés. Mais l’électricité qui a touché leur cerveau peut créer aussi des connexions neuronales bizarres, faisant remonter à la surface des souvenirs de la toute petite enfance.

Ce livre n’est pour autant pas un essai, et de page en page Claire Fercak met en scène Helena, émouvant personnage de roman, touchée par la foudre et dont on suit la convalescence.

Ce qui m’intéresse, c’est la pluralité. Chacun d’entre nous vit les blessures et les chocs de différentes manières. Je trouve intéressant d’aller interroger des gens, de me confronter au réel, pour ensuite le restituer littérairement. Et surtout écrire, c’est apprendre des choses, pour moi en tous cas. L’enquête me permet d’avancer moi-même dans la vie, dans une compréhension des autres. C’est le cœur de ce que j’aimerais toucher dans les livres.

Claire Fercak

Un texte expérimental et émouvant

"Après la foudre" est donc un livre hybride, plus proche de la performance ou de l’installation d’art contemporain que du roman traditionnel. Claire Fercak réussit un véritable défi littéraire et se paie le luxe d’insuffler une dose d’humour à son projet. Depuis ses débuts, la romancière française expérimente. Chaque fois, une enquête porte son propos. Car l’expérience collective, l’écoute des autres, est au centre de son travail. Ainsi dans le précédent texte, le merveilleux "Ce qui est nommé reste en vie", où elle s’intéressait aux patients victimes d’une tumeur au cerveau.

La vie est traversée, fêlée, fendue par ce moment hors du commun, inédit, exceptionnel, cette tétanie. La violence du choc, de la décharge, laisse las, épuisé. Le fait d’envisager sa propre mort, d’avoir le sentiment d’y assister rompt, bouscule l’équilibre. Et de cette survie qu’on pensait impossible naît une grande sidération.

Claire Fercak, "Après la foudre"

Ce travail est aussi et avant tout un texte extrêmement émouvant, compte tenu des témoignages qu’il contient et grâce au personnage d’Helena. La jeune femme dans sa convalescence accède à des souvenirs oubliés, revoit son père disparu, et cette échappée dans un passé plein de douleur et de silence constitue de très belles pages qui contiennent peut-être l’origine même du travail très singulier de Fercak.

Sylvie Tanette/sb

Claire Fercak, "Après la foudre", ed. Arthaud..

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