Bénédicte Belpois, la sage-femme devenue écrivaine

Entre la parution de "Suiza" dans la collection blanche de Gallimard et celle de "Saint Jacques", un peu plus de deux ans se sont écoulés et une pandémie a surgi. "Cette période de confinement a été prolifique pour moi car j’ai bénéficié de plus de temps pour écrire", lance tout de go Bénédicte Belpois rencontrée dans son appartement de Besançon, près de la frontière suisse.

D'inspiration médico-sociale

Du temps, cette sage-femme et conseillère familiale en manque sensiblement. C’est sans doute pour cela qu'elle a attendu le mitan de la cinquantaine pour débouler sur la scène littéraire par la grande porte. Dans le cadre de sa profession, Bénédicte Belpois rencontre souvent des êtres malmenés par la vie dont elle fait son miel littéraire. Sa "Suiza", jeune femme un peu simplette qui débarque dans un village paumé de Galice où elle s’amourache d’un paysan du coin particulièrement rugueux, était inspirée par des patientes qu'elle rencontre lors de ses consultations médico-sociales.

Et puis tu es venu, Jacques, enfin. J'ai tout de même attendu un an là-haut avant que tu n'apparaisses. Un an de solitude qui m’a paru cent, à l'image de Garcia Marquez.

Dans "Saint Jacques", Bénédicte Belpois raconte à nouveau une histoire d’amour improbable comme elle les apprécie. Cette fois, entre Paloma, une infirmière parisienne qui hérite de sa mère une maison décatie accrochée à un village des Cévennes, et un couvreur fort en corps et en gueule nommé Jacques. Entre la citadine survoltée qui s’installe dans un désert rural et l’artisan débonnaire à qui on ne la fait pas, une relation amoureuse va se nouer sur fond de solidarité villageoise.

Un héritage familial maudit

Avec une écriture directe qui ne s’encombre pas de précautions oratoires, Bénédicte Belpois décrit l’attirance des corps dans sa dimension animale, motif déjà traité dans "Suiza". Mais à travers cette histoire passionnelle entre deux solitudes, l'écrivaine aborde à son tour un thème très présent actuellement en littérature: l’héritage familial. "Malheureusement, on ne peut pas se défaire des casseroles des générations qui nous ont précédés, déplore-t-elle. Aucune famille ne passe à travers les gouttes du malheur, des non-dits ou des silences."

Ainsi Paloma, qui a reproduit le modèle maternel en donnant naissance à une petite fille alors qu'elle était encore adolescente, devra lutter contre elle-même pour s’émanciper des injonctions transmises comme une malédiction. Jacques Lacan, cité dans une exergue sur la première page du roman, rappelle que "nous sommes parlés" par notre famille.

On ne se moque pas impunément du script familial. Les femmes de notre lignée naissent pour cultiver le malheur, pour perdre les hommes qu'elles aiment.

Dans le salon de son appartement, Bénédicte Belpois a tendu une corde à linge à laquelle sont suspendues des fiches où se trouvent inscrits les noms et qualités des très nombreux personnages de son troisième roman en cours d’écriture. Une manière de démêler la trame touffue d’une intrigue dont l’auteure assure qu'elle sera à nouveau une histoire d’amour. Mais sur un ton un peu plus "caliente". Après un roman "feel good" situé dans les Cévennes, il est temps de revenir sur les chemins plus rugueux de Galice. Ceux qui mènent à Saint-Jacques-de-Compostelle, si souvent empruntés par l’auteure.

Jean-Marie Felix/ms

"Saint Jacques", Bénédicte Belpois, éditions Gallimard.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.