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"L’Enfant lézard" ou la vie recluse d'un gamin clandestin

L'écrivain Vincenzo Todisco. [DR - Momir Cavic]
Entretien avec Vincenzo Todisco, auteur de "L'Enfant lézard" / QWERTZ / 23 min. / le 26 octobre 2020
Grison d’origine italienne, Vincenzo Todisco décrit le sort d’un enfant de saisonnier caché dans la Suisse des années 1970. Un roman émouvant et pudique. 

"L’enfant lézard" est une pure fiction, affirme l’auteur qui parle couramment les quatre langues nationales et enseigne à la Haute école pédagogique de Coire. Avant ce roman, traduit de l’allemand par Benjamin Pécoud, Todisco a publié une dizaine d’ouvrages en italien.

Un personnage sur le fil

Pas de prénom pour cet enfant sans existence légale en Suisse que ses parents, contraints de quitter leur village du sud de l’Italie pour gagner leur vie, ont d’abord confié à sa grand-mère avant de l’emmener avec eux au "pays d’accueil" lorsqu’elle décède.

Aucune sortie, aucun contact extérieur, aucun bruit ni activité pour l’enfant lézard, ainsi surnommé par sa grand-mère pour sa capacité à se dissimuler, à ramper sous les meubles, à épier sans être vu, à écouter sans faire de bruit. Du monde, il n’aperçoit que les pieds des gens et les fragments dévoilés par les fissures des portes de ses cachettes.

L’humanité préservée

Pas étonnant que l’enfant se réfugie dans un monde imaginaire, fuie les contacts physiques, hurle sa frustration quand on le contrarie, griffe, morde et se rende invisible à tous. L’enfermement a fait de lui une créature instable à l’identité incertaine.

Pour Vincenzo Todisco, le plus difficile a été de faire ressentir la fragilité et l’humanité de ce gamin dans un récit à hauteur d’enfant. La narration au "je" ne fonctionnait pas, d’où son choix d’une voix extérieure et discrète, "comme une caméra placée sur l’épaule de l’enfant. L’important étant de ne jamais quitter sa perspective à lui sur ce monde indéchiffrable". Évoquant la période entre 1970 et 1974 des initiatives Schwarzenbach sur la "surpopulation étrangère", Todisco (Suisse depuis de longues années) se rappelle son incompréhension de gamin parfaitement intégré. Pourquoi le chasser, s’il n’a pas commis de faute?

Le ventre et la tête

Avant d’écrire "L’enfant lézard", Vincenzo Todisco a lu de nombreux récits sur ces enfants de saisonniers cachés (15'000 peut-être plus, dit-il). Toutefois, ce n’est qu’après la publication du roman en 2018 qu’il a reçu des témoignages personnels: "sur cette question, c’est l’omertà".

Rapidement, l’auteur s’aperçoit que, contrairement à ses autres livres, "L’enfant lézard" ne peut s’écrire en italien, "langue des sentiments, de l’excès, des tripes". Il opte pour l’allemand, plus sec, plus cérébral, qui lui impose la distance nécessaire à sa démarche littéraire. Il écrit ensuite une version italienne de l’original allemand, qui paraît en même temps que la traduction française. Peut-on ne pas voir la proximité symbolique entre cette évolution de son écriture et la mue du lézard?

Geneviève Bridel/aq

Vincenzo Todisco, "L'Enfant lézard", Editions Zoé

Vincenzo Todisco est présent au Salon du livre de Genève le jeudi 29 octobre à 18h30 à l'Universtié Ouvrière de Genève/Ampithéâtre. Il est aussi présent le 4 novembre à 19h à la Bibliothèque cantonale de Lausanne, et le 5 novembre à 19h à la Bibliothèque de la Cité à Genève.

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