Publié

"La Bombe", roman graphique sur les heures sombres d'Hiroshima

Laurent-Frédéric Bollée. [glenat.com]
Entretien avec Laurent-Frédéric Bollée, coscénariste de "La Bombe" aux éditions Glénat / QWERTZ / 32 min. / le 22 octobre 2020
Le 6 août 1945, à 8h15, Hiroshima est pulvérisée par une bombe atomique. Nagasaki suivra trois jours plus tard. Sur le monde s'avance une ombre qui ne s'effacera plus jamais. Le roman graphique "La Bombe" retrace cette terrible histoire.

Impressionné, enfant, par la visite du musée du Mémorial pour la Paix à Hiroshima, le scénariste belge Didier Alcante a toujours eu envie de raconter l'horreur de ces dizaines de milliers de gens évaporés en quelques minutes. Raconter pourquoi et comment, à un moment charnière de la Seconde Guerre mondiale, cette course à l'atome devient primordiale.

En 2015, Didier Alcante contacte son comparse français Laurent-Frédéric Bollée avec qui il a déjà collaboré. Une échéance est rapidement posée: ce sera août 2020 pour le 75e anniversaire de la destruction d'Hiroshima. Les dessins seront ceux de Denis Rodier, illustrateur et bédéaste québécois au style percutant. Le travail est colossal. Car "La Bombe" est un récit historique. La précision est de mise. Les auteurs s'accrochent à la réalité.

Il s'agit de mettre en scène la réalité historique, jongler entre les faits que tout le monde connaît comme le bombardement d'Hiroshima et des événements méconnus, les coulisses de l'histoire, qu'il fallait ici remettre en perspective.

Laurent-Frédéric Bollée

Un récit thriller

"La Bombe" est un récit choral où s'entremêlent les scientifiques, les militaires, les politiciens, les victimes, gens brûlés à la chair qui fond, ou cobayes de l'atome. Le récit se fait thriller, l'uranium devient le narrateur omniscient. A travers le regard de ce véritable dieu destructeur, à qui les humains vont donner sa toute-puissance, le lecteur remonte le temps entre 1945 et 1933. Albert Einstein y discute avec Léo Szilard, physicien hongrois. Un scientifique qui, comme Enrico Firmi prix Nobel de chimie, a rejoint le très secret projet Manhattan.

Le livre se termine sur une bicyclette tordue et l'ombre d'une personne imprégnée sur les marches d'une banque. Comment en est-on arrivé là ? C'est tout l’enjeu de ce roman graphique.

On a tout de suite eu cette intuition que cet uranium, ce minerai, était notre bonne "voix" à suivre et à entendre, parce que forcément, c’est quelque chose qui est supérieur aux hommes.

Laurent-Frédéric Bollée

La voix de l'uranium

"Je suis le feu incandescent des enfers, je suis le choc, je suis le créateur de néant, je suis celui qui fait se coucher le soleil sur l'empire du levant", déclare l'uranium. Denis Rodier, l'illustrateur québécois, met son talent au service du destructeur, marie les styles, emprunte aux comics américains pour le rythme, aux bandes-dessinées franco-belges pour la narration. Dans un noir et blanc appuyé, les dessins affleurent à bord perdu sur les pages, traduisent avec force les nuances de cette tragédie grecque, muée en théâtre nô.

"La Bombe" est un roman graphique poignant et indispensable de 472 pages. Les auteurs racontent pour ne pas oublier que, de nos jours, neuf nations possèdent l'arme atomique et que 15'000 engins subsistent, menaçant toujours notre monde.

Catherine Fattebert/ld

La Bombe, Didier Alcante, Laurent-Frédéric Bollée, et Denis Rodier, Editions Glénat, Collection 1000 feuilles, août 2020.

Vous aimez lire? Abonnez-vous à QWERTZet recevez chaque vendredi cette newsletter consacrée à l'actualité du livre préparée par RTS Culture.

Publié