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Ray Bradbury, l'homme qui a imaginé la conquête de Mars par les Terriens

L'écrivain américain Ray Bradbury en 1982. [Keystone/AP Photo - Lennox McLendon]
L'écrivain américain Ray Bradbury en 1982. - [Keystone/AP Photo - Lennox McLendon]
Il y a presque septante ans, l’auteur américain Ray Bradbury prédisait l’omniprésence des écrans dans notre vie, l’hyperconnectivité, l’accaparation de nos données à des fins mercantiles mais également la colonisation de Mars. En 2020, il aurait eu 100 ans.

Avec George Orwell ou Isaac Asimov, Ray Bradbury fait partie des auteurs dont les oeuvres donnent froid dans le dos, car elles anticipent avec justesse les dérives technologiques de nos sociétés telles que la récolte des données, la surveillance, le contrôle ou encore la censure.

Ces thématiques sont au coeur du roman le plus célèbre de Ray Bradbury, "Farenheit 451", publié en 1953. Dans une société du futur, les livres, considérés comme responsables des divergences d’opinions et des guerres, sont interdits et brûlés par des pompiers. La paix règne, mais la population est surveillée constamment. Petit à petit, un pompier dénommé Montag commence pourtant à remettre en question ce système.

>> A lire sur ce sujet aussi, notre grand-format : "Fahrenheit 451", mourir de lire

Une enfance entre les livres et Hollywood

Ray Douglas Bradbury est né dans l’Illinois en 1920. L’un des souvenirs les plus marquants de sa jeunesse? Lorsqu'un magicien lui avait touché le bout du nez en lui disant "Live Forever" ("Vis pour toujours"). Il avait alors 12 ans. Quelques jours plus tard, le jeune homme se met à l’écriture. Et il écrivit jusqu’à la fin de sa vie, en 2012.

Sans moyen pour faire des études supérieures, Ray Bradbury se réfugie dans les bibliothèques, où il engloutit tout ce qu’il peut comme livres. Pour 10 cents la demi-heure, il peut louer une machine à écrire. Une aubaine qu’il saura exploiter. C'est sur cette machine de la bibliothèque de Los Angeles que va naître "The Fireman", une nouvelle qui sera par la suite retravaillée pour devenir son fameux roman "Fahrenheit 451".

Adolescent, il rôde aussi dans environs des studios d’Hollywood pour apercevoir ses idoles - Laurel et Hardy, Cary Grant, Greta Garbo ou Marlene Dietrich. C’est avec des étoiles plein les yeux que l’imagination de Ray Bradbury s’allume comme une fusée prête à explorer l’univers.

Mars, une planète qui a toujours fasciné l'homme

Ray Bradbury n'a pas écrit que "Fahrenheit 451". C'est un auteur prolifique notamment de nouvelles très courtes dont la plupart sont consacrées à la conquête de Mars. Les hommes observent la planète rouge depuis la nuit des temps, mais c’est seulement à partir du 18e siècle que surgit l’idée qu'elle pourrait abriter une vie intelligente. A la fin du 19e siècle, avec le perfectionnement des télescopes, on perçoit clairement des canaux sur la planète rouge. Certains astronomes attribuent ces observations à une activité non naturelle.

A partir de là, c’est la foire aux théories et la suspicion d’une vie intelligente sur Mars qui s’invite jusque dans les expositions universelles et attise l'imagination des écrivains.

La planète Mars a toujours fait fantasmer les hommes. [CC BY-SA 3.0]
La planète Mars a toujours fait fantasmer les hommes. [CC BY-SA 3.0]

En 1898, dans "La Guerre des Mondes", Herbert George Wells fantasme une planète mourante condamnée par le dessèchement de son climat et dont les habitants viennent envahir la Terre. C’est la première fiction marquante mettant en scène la vie sur Mars, et l’impact sur l’imaginaire de Ray Bradbury est immense. Il y puise une bonne partie de ses idées pour ses "Chroniques martiennes".

Dans un entretien accordé au journal français Le Figaro en 2012, l'auteur racontait: "En été, je regardais fixement les étoiles et je disais: `Mars, emmène-moi!` Et zip!, je me retrouvais là-haut. A vrai dire, je suis parti sur Mars et je n'en suis jamais revenu".

"Les Chroniques martiennes" sont ma véritable première œuvre. Mon acte de naissance littéraire. Certains scientifiques m'ont avoué avoir été fascinés par la planète rouge après avoir lu mon livre. J'aime l'idée d'avoir chanté l'odyssée martienne comme Homère a chanté celle d'Ulysse.

Ray Bradbury, entretien accordé en Figaro en 2012

>> A écouter, la chronique de "Spectrum" consacrée aux "Chroniques martiennes" :

Logo Spectrum
Spectrum - Ray Bradbury 3/5 Chroniques Martiennes / Spectrum / 3 min. / le 16 septembre 2020

Un condensé des grands mythes américains

Dans les "Chroniques martiennes", on ne parle pas de petits bonshommes verts. Ce qui intéresse Bradbury, c’est d’utiliser Mars comme un miroir de la Terre. Il imagine des vagues successives de colonisateurs sur la planète rouge qui se retrouveraient face à une civilisation qui les accueille - ou pas. Comment vit-on, en tant que Martien, le fait d’être envahi? Que se passe-t-il quand un groupe d’Africains-Américains décide de quitter la terre pour Mars? Est-ce que l’humain est toujours le "gentil"? Et est-ce qu’un Martien à qui on vient dire que la vie existe ailleurs que sur Mars va forcément vous croire?

En 1949, à presque 30 ans, Ray Bradbury propose ses nouvelles à son éditeur - qui lui demande de les rassembler en un seul ouvrage. Publié et applaudi en 1950, "Chroniques martiennes" va devenir un classique de la science-fiction. Une classification que l'auteur américain ne validait pas. Dans l'entretien accordé au Figaro, il précise: "Je trouve que les `Chroniques martiennes` n'appartiennent pas au genre de la science-fiction. Pour moi, ce sont des chroniques mythologiques".

Et c'est vrai qu'au delà de la science-fiction, son ouvrage peut être lu comme un condensé des grands mythes américains avec la conquête d'un nouveau monde, l'établissement d'une nouvelle civilisation, la peur de l'autre, la lutte entre le passé et l'avenir ou encore celle entre la nature et la technologie. Une sorte de "rêve américain" qui tournerait finalement au cauchemar.

Sujet radio: Ellen Ichters

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

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