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L'écrivaine valaisanne Corinna Bille tutoie les enfants du 3e millénaire

Une illustration de Mirjana Farkas pour le conte "Coco le singe aventureux" tiré du livre "Marietta, l'ours et le cavalier" de Corinna Bille. [La Joie de Lire]
Une illustration de Mirjana Farkas pour le conte "Coco le singe aventureux" tiré du livre "Marietta, l'ours et le cavalier" de Corinna Bille. - [La Joie de Lire]
Quarante ans après sa mort, la poétesse, novelliste et romancière valaisanne Corinna Bille parle toujours aux jeunes lecteurs. La Joie de lire publie deux nouveaux volumes de contes pour compléter "La petite bibliothèque de S. Corinna Bille".

Au début des années 1950, Stéphanie Bille avait déjà choisi son nom de plume Corinna (un hommage discret à sa mère Catherine, villageoise née à Corin). S. Corinna Bille (1912-1979) écrivait des histoires qu'elle racontait à ses propres enfants – Blaise, Achille et Marie-Noëlle, nés de son union avec l'écrivain Maurice Chappaz. Mais pas seulement.

Dans une démarche littéraire exigeante, elle raconte d'abord des histoires qui lui plaisent. En réalité, c'est la petite fille qu'elle était – et qui restera très vivante toute sa vie – qui s'adresse aux enfants. Elle se tient exactement à leur hauteur.

Dans un style simple, avec une attention et une acuité tout enfantine. Sans jamais donner dans la morale, elle entraîne son lecteur dans un monde où dominent la fantaisie, le merveilleux, le fantastique, le miraculeux – parfois – comme une trace de la société très catholique qui l'environnait.

Corinna Bille ne prend jamais son lecteur de haut, qu'il soit adulte ou enfant. "C'est l'enfant de son cœur qui parle à l'enfant d'aujourd'hui ou de demain, c'est intemporel", précise Francine Bouchet, la fondatrice de La Joie de lire à l'origine de cette réédition.

Des histoires ancrées dans le réel

Parfois, au détour d'un paragraphe, l'écrivaine se met en scène. La "dame qui avait gardé depuis l'enfance une éternelle envie de poupée", évoquée dans le conte "La crèche de verre", c'est elle. Tout comme "la dame réfugiée dans le grand hôtel du village le plus haut du monde" qui fait cliqueter les touches de sa machine à écrire avant de s'élancer sur les pistes de ski. C'est elle encore.

L'écrivaine Corinna Bille en 1973. [RTS - L'écrivaine Corinna Bille en 1973.]
L'écrivaine Corinna Bille en 1973. [RTS - L'écrivaine Corinna Bille en 1973.]

Corinna Bille ancre toutes ses histoires sur un terrain bien réel. Les lieux sont reconnaissables (Sierre, Chandolin, le Valais principalement), les paysages (la montagne environnante, la forêt, la nature) et les animaux. Il n'y a pas un conte qui ne soit traversé par un lapin, un insecte ou un singe farceur.

On y croise aussi fréquemment la silhouette imposante de son père, le peintre Edmond Bille. Certains personnages féminins ont la finesse et le bon sens de sa mère. Son frère René-Pierre, photographe animalier, traverse aussi le décor. Autant d'éléments réels qui viennent donner du poids à la fiction.

La Genèse de "La petite bibliothèque de S. Corinna Bille"

En 1999, la maison d'édition genevoise La Joie de lire publie les œuvres complètes pour la jeunesse de Corinna Bille en trois volumes glissés dans un coffret. Une cinquantaine d'histoires.

L'an dernier, Francine Bouchet décide de redonner vie à ce corpus. Elle confie à l'écrivaine Sylvie Neeman sa réorganisation par thématiques. "Légendes et mystères des montagnes", "Maisons, villes et chemins", la collection comprendra finalement neuf volumes de belle facture dont le dernier paraîtra à la fin 2020. Chaque ouvrage a été confié à un illustrateur qui a reçu carte blanche pour dialoguer avec les textes. Age conseillé de 4 à 8-10 ans, évalue Sylvie Neeman.

>> A voir: Sylvie Neeman, responsable de la collection chez La Joie de lire présente "La petite bibliothèque de S. Corinna Bille" :

Les contes de Corinna Bille pour le jeune public
Les contes de Corinna Bille pour le jeune public / RTSculture / 2 min. / le 27 novembre 2019

Les deux nouveaux volumes

Fluidité. Concision. Images. Juste dosage d'émotions, de sourires et de mélancolie: la prose de Corinna Bille n'a pas pris une ride.

Deux volumes, "Petits contes de Noël" – plongée dans une ambiance ouatée, glacée, translucide et bleutée – illustré par Hannes Binder, "Marietta, l'ours et le cavalier" ou quand les jouets multicolores prennent vie, illustré par Mirjana Farkas, viennent compléter "La petite bibliothèque de S. Corinna Bille".

>> A écouter: "La Petite chèvre de Noël", tiré des "Petits contes de Noël" de Corinna Bille :

Une illustration de Hannes Binder pour les "Petits contes de Noël" de Corinna Bille. [La Joie de lire]La Joie de lire
"La Petite chèvre de Noël", un conte de Corinna Bille / Caractères / 3 min. / le 24 novembre 2019

Marlène Métrailler/aq

La "Petite bibliothèque de S. Corinna Bille", éditions La Joie de lire, 2019.

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Corinna Bille, une vocation d'écrivaine

En mars prochain, dans un volume plus biographique, Sylvie Neeman, mettra une dernière touche personnelle à cet édifice. On lui a demandé d'aborder la place de l'écriture dans la vie de Corinna Bille. Sylvie Neeman a toujours été une fervente admiratrice de l'écrivaine sierroise. Relire tous ces contes, les réorganiser et se pencher ainsi sur cette vocation: cette mission a finalement conforté son inclination.

"Son enfance était un conte de fées. Corinna Bille a grandi dans un milieu privilégié, aimée et choyée par ses parents. C'est probablement dans cette enfance qu'elle a puisé son énergie créatrice. A chaque fois qu'on veut lui faire quitter l'onirique et revenir au prosaïque, elle veille toujours à laisser une porte ouverte au rêve", constate-t-elle.

Même dans les années de dèche, mère de trois enfants vivant dans une extrême pauvreté, Corinna Bille ne lâche pas la plume. "L'idée était aussi d'expliquer ce que cela signifie de vouloir être écrivaine malgré tout. Coûte que coûte, quels qu'en soient le prix et la difficulté", précise toujours Sylvie Neeman.