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Isabelle de Charrière, la Hollandaise qui a donné ses lettres à la Romandie

Isabelle de Zuylen, devenu de Charrière par son mariage, surnommée "La Belle de Zuylen".
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La Belle de Zuylen ou la noblesse des lettres / Pile ou face / 7 min. / le 29 janvier 2019
A la fin du XVIIIe siècle, cette aristocrate fascinée par la langue française a fortement marqué la littérature en Suisse romande. Féministe avant l'heure, Républicaine inspirée, amie de Benjamin Constant, elle fut un bel esprit des Lumières.

Bien née dans l'entourage de la cour de Hollande, Belle van Zuylen, devenue Isabelle de Charrière (1740-1805) par son mariage, se distingue très jeune par son esprit d'indépendance, sa curiosité intellectuelle, son talent pour les lettres, son amour de la langue française et aussi sa grande beauté qui a inspiré les peintres Jean-Antoine Houdon et Quentin de Latour. A 22 ans, elle publie de façon anonyme, et dans un esprit déjà assez voltairien, un conte satirique sur l'aristocratie hollandaise, "Le Noble", qui fait scandale.

Portrait d'Isabelle de Charrière par Maurice Quentin de La Tour (1771). [CC-BY-SA]
Portrait d'Isabelle de Charrière par Maurice Quentin de La Tour (1771). [CC-BY-SA]

Après plusieurs projets de mariage avortés, elle épouse en 1771, à 31 ans, Charles-Emmanuel de Charrière, un gentilhomme vaudois établi à Colombier, qui fut précepteur de ses frères. Elle s'établit alors au bord du lac de Neuchâtel. Pour beaucoup de ses contemporains, ce mariage est une mésalliance, mais pas pour elle qui juge de Charrière "profondément honnête et très cultivé". C'est aussi grâce à cette alliance qu'elle conquiert la liberté dont elle a besoin et dont elle ne va pas tarder à profiter.

Un salon très convoité

A partir de 1784, elle entame une intense activité littéraire. Elle écrit pamphlets, contes, pièces de théâtre, écrits politiques, opéras et romans, dont les plus marquants sont "Lettres neuchâteloises", "Lettres de Mistriss Henley publiées par son amie", "Caliste" et "Lettres écrites de Lausanne". Epistolière prolixe, Isabelle de Charrière sait aussi nouer des contacts et son salon devient, malgré l'éloignement parisien, un cénacle convoité et fécond.

Rencontre avec Benjamin Constant

En 1787, lors d'un séjour à Paris, elle rencontre Benjamin Constant, subjugué par "l’esprit supérieur" de cette femme de 27 ans son aînée. Leur amitié est immédiate. Ils entretiendront une relation nourrie d'échanges intellectuels, littéraires et politiques, jusqu'à ce que Benjamin Constant rencontre Madame de Staël, autre esprit brillant.

>> A écouter: "Germaine de Staël, égérie européenne" dans Versus :

Portrait de Germaine Necker, Baronne de Staël Holstein dite Madame de Staël.
Photo Josse/Leemage
AFP [Photo Josse/Leemage]Photo Josse/Leemage
Germaine de Staël, égérie européenne / Pile ou face / 7 min. / le 31 janvier 2019

La réflexion politique est aussi au coeur de l'oeuvre d'Isabelle de Charrière. Admiratrice de Diderot et de Rousseau, empreinte de sympathie républicaine mais dénonçant la violence des radicaux, elle suit depuis les berges du lac de Neuchâtel ce qui se passe à Paris. Ses écrits constituent une chronique vivante et originale de la Révolution, vue de Suisse.

Sortie du purgatoire

Isabelle de Charrière a pourtant connu un long purgatoire avant d'être redécouverte, au début du XXe siècle, par le professeur de Neuchâtel Philippe Godet. Entre 1979 et 1984, une équipe de spécialistes du XVIIIe siècle entreprend la publication de ses "Oeuvres complètes" – dix volumes chez un éditeur néerlandais - qui permet de mesurer l'importance de cette Hollandaise francophile, esprit aussi original que perçant, féministe avant l'heure et fine observatrice de ses contemporains.

Sujet radio: Christian Ciocca

Adaptation web: Marie-Claude Martin

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