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Pascal Bruckner: "Je me détends en regardant des films d'épouvante"

L'écrivain Pascal Bruckner. [Photo12 / AFP - Philip Conrad]
Pascal Bruckner "Un an et un jour" ED. Grasset / Entre nous soit dit / 56 min. / le 15 janvier 2019
Ecrivain et essayiste, Pascal Bruckner a vécu une partie de son enfance dans des sanatoriums en Suisse, heureux d'échapper à des parents violents. Son dernier roman, "Un an et un jour", flirte avec la littérature fantastique.

Auteur d'une douzaine de romans et d'une quinzaine d'essais, Pascal Bruckner vient de fêter ses 70 ans. "On ne peut pas aller contre le temps; on est obligé de le subir, alors autant le faire avec humour et élégance", dit l'écrivain et philosophe qui vient de publier "Un an et un jour", un roman qui évoque le temps et ses différentes perceptions.

Un roman qui se dérobe sous ses pas

Le livre raconte l'histoire de Jézabel, jeune professeure de mathématiques qui doit se rendre au Canada pour présenter une montre que son père, pasteur et horloger amateur, vient de concevoir. Sa particularité? Au lieu d'indiquer l'heure, la montre est censée détruire le temps.

"Un an et un jour" flirte avec le roman fantastique, un genre que Pascal Bruckner, grand lecteur d'"Alice au pays des merveilles", affectionne. "J'aime particulièrement la littérature fantastique du 19e siècle, celle de Barbey d'Aurevilly et de Maupassant, cette période de l'histoire où l'on commence à douter des bienfaits de la rationalité". Le même Bruckner ne dédaigne pas non plus l'épouvante et confesse se détendre le soir avec des films d'horreur.

Il y a une jouissance folle à avoir peur, tout en sachant que cette peur ne portera pas à conséquence, sauf à faire un mauvais rêve.

Pascal Bruckner

Un père proche du nazisme

L'héroïne d'"Un an et un jour" vit en Haute-Savoie et son père, pasteur réformé, est un homme austère et cruel. Une figure inspirée du propre père de Pascal Bruckner, un protestant antisémite et raciste, violent et proche de l'idéologie nazie comme l'auteur le dépeint dans son autobiographie, "Un bon fils".

Au micro de la RTS, l'auteur évoque également sa mère qui a probablement rencontré son mari, en Allemagne, au début de la guerre, chez Siemens. "Ma mère était à la fois victime et complice de mon père. Complice parce qu'elle partageait les mêmes idées que lui, mais de manière plus atténuée, et victime car il la battait, l'humiliait et la trompait. Ma mère a réagi de manière assez classique. Au lieu de retourner cette agressivité contre son mari, elle l'a retournée contre elle, développant toutes sortes de maladies, dont l'épilepsie. C'était sa manière de se venger de lui ou de se punir elle."

>> A écouter, Pascal Bruckner racontant son père :

Pascal Bruckner. [Miguel Medina]Miguel Medina
Pascal Bruckner se raconte dans "Un bon fils" / L'invité du 12h30 / 8 min. / le 2 mai 2014

Une enfance tuberculeuse

Est-ce aussi pour échapper à la violence parentale que le petit Pascal a développé la tuberculose entre un et huit ans? Quoiqu'il en soit, il passe une partie de son enfance loin de la maison, dans des sanatoriums en Autriche, puis à Leysin. Il en a gardé un sentiment de gratitude envers la Suisse ainsi que le goût des montagnes et des montres qu'il collectionne.

La suite est plus heureuse. Pascal Bruckner fait ses études chez les Jésuites à Lyon, un ordre qui se distingue par sa formation intellectuelle exigeante.

J'y ai appris la discipline et la rhétorique mais aussi des choses qui ne s'enseignent pas comme la duplicité humaine et les tensions qui peuvent exister à l'intérieur des groupes.

Pascal Bruckner, auteur de "Un an et un jour"

Sous l'influence de Roland Barthes

C'est dans la cour du lycée Henri IV que Pascal Bruckner, devenu athée, rencontre Alain Finkielkraut. Ensemble, ils écriront ce qui deviendra un best-seller "Le Nouveau Désordre amoureux", en 1977. Les deux amis ont eu comme professeur Roland Barthes, sémiologue et critique littéraire fameux, "un de ces intellectuels qui nous ont permis de nous déprendre du marxisme, très à la mode à l'époque".

Bruckner dit tout ce qu'il doit à cet écrivain très influent et sentimental, qui a beaucoup travaillé sur le thème de l'amour. Et combien, sans même s'en rendre compte, il s'est inspiré de son style: "les appositions, la manière d'utiliser les parenthèses, le goût des mots rares et le sens de la chute."

Propos recueillis par Mélanie Croubalian

Réalisation web: Marie-Claude Martin

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