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Le cinéaste français Claude Lanzmann, réalisateur de "Shoah", est mort

Claude Lanzmann, réalisateur, journaliste et écrivain est décédé à 92 ans. La grande histoire de sa vie, c'est la "Shoah".
Claude Lanzmann, réalisateur, journaliste et écrivain est décédé à 92 ans. La grande histoire de sa vie, c'est la "Shoah". / 19h30 / 2 min. / le 5 juillet 2018
Le cinéaste français Claude Lanzmann est décédé jeudi 5 juillet à Paris, à l'âge de 92 ans. Il avait notamment réalisé "Shoah", un film documentaire fleuve sur l'extermination des Juifs par le régime nazi.

"Claude Lanzmann est mort ce matin à son domicile. Il était très très faible depuis quelques jours", a indiqué une porte-parole de son éditeur, Gallimard, contactée par l'AFP. Son dernier film, "Les quatre soeurs", est sorti en salle ce mercredi.

Né en 1925 dans les Hauts-de-Seine, en banlieue parisienne, Claude Lanzmann s'engage dans les Jeunesses communistes à l'âge de 18 ans, alors que la Deuxième Guerre mondiale fait rage, avant de rejoindre la Résistance face aux nazis. Il grandit sans éducation juive, mais l’antisémitisme devient son combat premier après la découverte, en 1947, de l’essai de Sartre : "Réflexions sur la question juive".

Il deviendra d’ailleurs ami de Sartre et de Simone de Beauvoir qui lui permettent d’écrire dans leur revue, "Les temps modernes". Lanzmann sera même le compagnon de Simone de Beauvoir et reprendra la direction de la revue en 1986.

Par la suite, il dénoncera la répression en Algérie, sera farouchement anticolonialiste et défendra Israël, au prix de quelques polémiques.

"Shoah", l’œuvre d’une vie

Le journaliste et réalisateur reste associé à son œuvre la plus célèbre, le documentaire fleuve "Shoah" sorti en 1985. Un documentaire monumental, immense, essentiel à la compréhension du génocide juif, et de ses répercussions. Un film qui exigera de son auteur douze ans de travail et 350 heures d’images tournées.

Le résultat ignore les archives ou la reconstitution, pour s’attacher à recueillir, sur près de dix heures de film, la parole de survivants et de bourreaux des camps de concentration ou d’extermination.

Un documentaire qui assume aussi des passages totalement mis en scène. Non pas pour reconstituer un passé révolu, mais pour pousser ses interlocuteurs à ne plus raconter, mais à revivre ce qu’ils ont vu.

Ainsi, dans le cas d’un coiffeur juif à la retraite, qui s’occupait de couper les cheveux de ceux qui allaient entrer dans les chambres à gaz de Treblinka, le réalisateur loue un salon de coiffure et replace son interlocuteur dans une situation propice à dénouer la parole. Il le pousse dans ses retranchements, lui rappelle le devoir de témoignages, même quand le coiffeur craque et s’effondre sous les pleurs.

La séquence reste l’une des plus fortes du film.

Un film essentiel

Jamais, avant lui, un film n’avait décortiqué avec autant de précision, de rigueur et de vérité la mécanique de l’Holocauste.

Le cinéma avait déjà produit quelques fictions avant "Shoah", notamment la série télévisée "Holocauste" diffusée en 1978. Mais rien de comparable en termes de puissance d’évocation. Sinon le fameux documentaire d’Alain Resnais, "Nuit et brouillard", en 1956, où un commentaire en voix off accompagnait les images de l’horreur des camps.

Mais ce qui frappe encore maintenant c’est de voir à quel point le film se conjugue au présent. Il ne s’agit pas de se souvenir, de reproduire, de reconstituer une mémoire, mais de faire ressentir au spectateur, dans sa chair, ce qu’a pu être l’Holocauste, uniquement par les témoignages de ses victimes, de ses témoins, de ses acteurs.

La Shoah, Claude Lanzmann y reviendra encore avec d’autres documentaires, comme "Sobibor", récit de la révolte des prisonniers du camp d’extermination de Sobibor en 1943.

>> L'interview de Frédéric Maire dans Forum :

Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse. [Keystone - Dominic Favre]Keystone - Dominic Favre
Décès du cinéaste français Claude Lanzmann, interview de Frédéric Maire / Forum / 7 min. / le 5 juillet 2018

Rafael Wolf/dk/afp

>> Sujet traité dans "Anticyclone" sur Espace 2 et dans "Vertigo".

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