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"Civil War", dystopie réaliste d'Alex Garland, enflamme les Etats-Unis

Une image du film "Civil War" d'Alex Garland. [DR]
Une image du film "Civil War" d'Alex Garland. - [DR]
En imaginant l'Amérique ravagée par une nouvelle guerre de Sécession, le cinéaste britannique Alex Garland épouse le point de vue d'un groupe de reporters de guerre. Sorti le 17 avril, "Civil War" est une dystopie réaliste aux antipodes du blockbuster lambda qui déçoit à force de survoler son sujet.

Des forces de police répriment brutalement une manifestation populaire. Arborant un large drapeau américain, une jeune kamikaze se fait soudain exploser au sein de l'attroupement, laissant des dizaines de cadavres sur le bitume. Atrocement familier, cet acte terroriste n'a pourtant pas eu lieu à Bagdad, Kaboul ou Damas, mais au cœur de Brooklyn, amorçant le point de départ chaotique et saisissant de "Civil War".

Témoin de la scène, Lee Smith (Kirsten Dunst) s'impose comme l'héroïne de cette histoire qui nous plonge au cœur d'une Amérique dystopique où une coalition improbable, formée par la Californie et le Texas, cherche à renverser un président dictatorial. Dans ce climat d'insurrection, la photographe de guerre réputée décide de partir, avec un fixeur intrépide, un journaliste vétéran et une jeune aspirante reporter, vers Washington afin d'obtenir une interview exclusive du président, terré dans la Maison-Blanche.

Une vision réaliste

Aux antipodes du blockbuster lambda, "Civil War" pose les prémisses d'une œuvre singulière qui laissait espérer un chef-d'œuvre définitif. Espoir qui tiendra, disons-le, un certain temps avant que le film ne trahisse une superficialité globale franchement décevante. Pour autant, les choix cinématographiques et dramaturgiques d'Alex Garland ("Ex machina", "Men") enthousiasment de prime abord.

Epousant le point de vue de cette équipe de presse, le cinéaste évite d'expliciter les raisons de cette guerre civile et brouille les résonances trop directes avec le contexte américain actuel pour s'écarter de la satire comme du brûlot politique. Remarquable, la mise en scène privilégie au pur spectacle une vision réaliste et viscérale proche du "Démineurs" de Kathryn Bigelow, voire des "Fils de l'homme" d'Alfonso Cuarón.

Quant à la structure du road-movie ponctué de séquences-chocs, elle reprend celle d'"Apocalypse Now", le fleuve vietnamien laissant ici place aux routes américaines. On verra ainsi Lee et ses camarades assister à des actes de torture dans le garage d'une station essence perdue, débarquer dans une petite ville qui continue à vivre dans une ignorance volontaire de la guerre ou pris en otage par un milicien terrifiant qui exécute froidement tous ceux qui ne sont pas assez américains à ses yeux. Le tout culminant par un assaut final spectaculaire sur la Maison-Blanche.

Un survol frustrant

Si l'on ne peut nier la force cinématographique de l'ensemble et la puissance perturbante de plusieurs scènes, "Civil War" laisse pourtant une impression de cynisme confortable. Les protagonistes, Lee Smith en tête, se réduisent rapidement à des clichés aussi simplistes que l'effet de miroir souligné entre l'héroïne et sa jeune protégée.

Quant aux questions passionnantes que le film soulève sur le rôle de l'image, du journalisme, interrogeant l'empathie, la morale, la distanciation, la responsabilité, Alex Garland les balaye d'un revers de caméra tout comme il renvoie dos à dos tout et son contraire dans une forme de relativisme qui apparaît moins comme une audace subversive que comme une manière de rester à la surface de son sujet. D'où le sentiment frustrant d'avoir survolé un film bien plus captivant dans ses fragments que dans sa somme.

Rafael Wolf/ld

"Civil War" d’Alex Garland, avec Kirsten Dunst, Jesse Plemons, Cailee Spaeney, Wagner Mouira. A voir dans les salles romandes depuis le 17 avril 2024.

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