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Miyazaki signe avec "Le garçon et le héron" un film-somme d'une beauté inouïe

Image du film d'animation "Le Garçon et le Héron" de Miyazaki. [Studio Ghibli]
Image du film d'animation "Le Garçon et le Héron" de Miyazaki. - [Studio Ghibli]
Alors qu'il avait annoncé sa retraite après son dernier film "Le vent se lève", sorti en 2014, le maître du cinéma d'animation japonais Hayao Miyazaki sort son douzième long-métrage. Une nouvelle splendeur traversée par le deuil et la transmission.

L'entrée en matière du "Garçon et le héron" nous plonge d’emblée dans une séquence d'une émotion terrassante. Nous sommes en pleine Seconde Guerre mondiale. Tokyo est bombardée. Dans la ville ravagée, chaotique, dévorée par le feu, Mahito, un garçon de 11 ans, se précipite vers un hôpital en flammes, juste à temps pour assister à la disparition de sa mère.

La musique inquiète de Joe Hisaishi accompagne à merveille le trauma initial du héros qui ne tarde pas à s'installer dans le village autrefois habité par sa maman, au sein d'un vaste manoir entretenu par un groupe de vieilles domestiques édentées. Aux côtés de son père et de sa nouvelle belle-mère, qui ressemble étrangement à sa défunte mère, Mahito est approché par un héron cendré, doué de la parole, qui le guide vers une tour en ruine abritant un univers étrange et imaginaire.

Purgatoire et renaissance

Sachant que Hayao Miyazaki a pris sept années pour terminer son dernier, et peut-être ultime, long-métrage d'animation, il serait légitime de penser que "Le garçon et le héron" touche au sommet de l'oeuvre immense du cinéaste japonais. Si l'on est en droit de lui préférer "Mon voisin Totoro", "Princesse Mononoké" ou "Le voyage de Chihiro", on ne peut toutefois que rester bouche-bée devant la beauté inouïe du film. La symbolique du héron dans la culture japonaise évoquant le voyage de l'âme humaine après la mort, entre purgatoire et renaissance, on saisit d'autant mieux la portée du périple existentiel auquel "Le garçon et le héron" nous convie en pénétrant au plus profond de ce monde souterrain où se mêlent passé, présent et futur.

>> A voir: le débat de Vertigo autour du film "Le garçon et le héron" :

Débat cinéma: "Le garçon et le héron" d'Hayao Miyazaki
Débat cinéma: "Le garçon et le héron" d'Hayao Miyazaki / Vertigo / 4 min. / le 3 novembre 2023

Une oeuvre labyrinthique

D'une richesse visuelle et thématique vertigineuse, le résultat multiplie rapidement les pistes, entre un grand-oncle qui règne sur ce monde parallèle et se cherche un successeur, le fantôme de la mère défunte, cette belle-mère menacée que Mahito essaie de sauver, et ces perruches qui tentent de dévorer le garçon. Au risque d'une confusion assumée par Miyazaki qui confesse lui-même ne pas comprendre entièrement le film qu'il a réalisé, creusant autant la question de la transmission que celle du deuil et de la renaissance.

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On avoue avoir été par moments perdu dans cette œuvre labyrinthique, véritable film-somme où le cinéaste semble avoir voulu mettre toutes ses interrogations, ses doutes et ses inquiétudes. Et d'avoir regretté au final que le phare émotionnel du "Garçon et le héron", liant Mahito à sa mère disparue, se soit parfois éclipsé derrière d’autres enjeux, touchant davantage au récit d'apprentissage. Des réserves qui ne pèsent pas lourd devant la splendeur et l’ampleur stupéfiantes d’une œuvre dont on n'a pas fini d'explorer les mystères comme les pièces dérobées.

Rafael Wolf/ld

"Le garçon et le héron", film d'animation de Hayao Miyazaki (123’) (actuellement dans les salles).

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