"Avatar" de James Cameron, le film qui propulse le cinéma dans une nouvelle ère

Grand Format Cinéma

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

Introduction

"Avatar" de James Cameron sorti en 2009 est le film le plus coûteux de l'histoire du cinéma. Mais c'est surtout une superproduction américaine de science-fiction qui révolutionne le cinéma et le fait basculer définitivement dans la modernité.

Chapitre 1
Une fable écologique

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"Avatar", c'est à la fois "L'Iliade" et "L'Odyssée", "Star Wars", "Danse avec les loups", "Jurassic Park" et les animés de Miyazaki. Il y a des méduses aériennes, des aliens bleus et des forêts luminescentes. L'intrigue tient à la fois de Roméo et Juliette et de Pocahontas et John Smith.

Au XXIIe siècle, Jake Sully, un militaire paraplégique, rejoint le programme scientifique Avatar dirigé par le Dr Grace Augustine. Sa mission: rejoindre la planète Pandora, à quatre années-lumières de la Terre.

Sur cette planète, un groupe industriel protégé par l'armée américaine a trouvé le filon: un minerai qui peut résoudre la crise énergétique terrienne. Pour l'obtenir, il faut négocier avec les habitants de Pandora, les Na'Vis: des créatures sveltes et félines, pacifistes mais aguerries au combat, vivant en harmonie avec la nature.

L'atmosphère de Pandora étant toxique pour l'homme, l'esprit de Jake est incarné dans le corps d'un Na'Vi. Via son avatar, notre héros rencontre la farouche Neytiri. Ils se plaisent.

Jake se retrouve alors partagé entre la découverte de cette civilisation extraterrestre et l'objectif de son expédition, rechercher des ressources naturelles pour le compte des humains. Son amour naissant pour Neytiri se heurte bien vite aux velléités colonisatrices de ses supérieurs.

En 1995, James Cameron rédige une première ébauche de scénario: huitante pages mettant en scène l'essentiel de son histoire. Le réalisateur est alors en plein dans "Titanic". En août 1996, il annonce qu'après avoir terminé "Titanic", il tournera "Avatar".

Mais très vite, il apparaît qu'enchaîner deux films aussi importants serait trop risqué et empêcherait le développement de la bonne technologie pour raconter avec toute la palette possible le monde qu'imagine James Cameron pour "Avatar". A ce stade, tout reste à faire: il faut développer une technologie spécifique, travailler la partie artistique et inventer le monde de Pandora.

"Quand nous avons voulu lancer la production du film à la fin des années 1990, nous avons compris que les limites technologiques à dépasser pour aboutir à un résultat satisfaisant étaient encore trop importantes. J'ai donc mis le projet de côté", explique James Cameron au magazine Télé'Obs.

Le réalisateur quitte alors Hollywood pour laisser son tempérament d'explorateur s'épanouir ailleurs et enchaîne les expéditions sous-marines dont il tire deux documentaires: "Les Fantômes du Titanic" et "Aliens of The Deep" pour lesquels il met au point la caméra 3D Fusion utilisée dans "Avatar".

Chapitre 2
Le point de départ

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C'est la découverte de Gollum dans "Le Seigneur des anneaux" de Peter Jackson qui alerte le réalisateur sur les progrès effectués dans les domaines de la "Performance Capture", une technologie grâce à laquelle on filme un acteur et on plaque sur lui un personnage digital.

La vision de Gollum le décide à ressortir son scénario des cartons et à imaginer tourner son film en Nouvelle-Zélande, au sein de l'équipe des studios Weta détenus par Peter Jackson. Nous sommes alors en 2005 et tout va s'accélérer.

James Cameron et son producteur Jon Landau demandent à la Fox de les accompagner pendant une année, le temps de développer un projet hors du commun. La société de production tique un peu, effrayée par les dépassements de budgets faramineux que Cameron avait opérés sur "Titanic", pour au final accepter.

Avec Jon Landau, James Cameron engage des artistes spécialisés dans l'heroïc fantasy, peaufine l'histoire, invente les plantes, les animaux, les insectes, ainsi que les Banshees, les fameuses montures volantes des Na'Vis.

En parallèle, James Cameron fait développer une caméra spéciale, une Fusion Camera System modifiée reproduisant la vision stéréoscopique, qui lui permettra de filmer les scènes de son film en 3D. Au final, la production prendra 4 ans, dont 4 mois de tournage entre mars 2007 et juin 2009.

Chapitre 3
Les sources d'inspiration de James Cameron

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"Les gens me demandent constamment d'où vient mon inspiration, quel est l'élément déclencheur. Ils recherchent l'origine. Mais il n'y en a pas! C'est toute ma vie. C'est toute mon enfance!", indique le réalisateur. James Cameron a grandi au Canada et a passé toute son enfance dans la forêt à observer la nature et ses animaux. Et puis, le jeune James est fan de science-fiction et d'heroïc fantasy. "Avatar" est la somme de tout cela.

Outre ses souvenirs d'enfance, le réalisateur, cinéphile averti, s'inspire de "La Forêt d'émeraude" de John Boorman et de "Danse avec les loups" de Kevin Costner.

Deux films qui célébrent la nature, et qui montrent les heurts qui existent entre différentes sociétés, entre nature et culture, entre civilisation conquérante et populations animistes. Des westerns comme "La Flèche Brisée" de Delmer Daves ou "La Ligne Rouge" de Terrence Malick sont aussi des éléments d'inspiration.

Et puis, derrière la fable écologiste, James Cameron glisse une réflexion sur la conquête militaire. Le réalisateur reconnaît que son film critique implicitement la guerre en Irak et l'impérialisme américain. Bien que comportant de nombreuses scènes de guerre, "Avatar" se veut être un film sur la paix.

Malgré de nombreuses scènes de guerre, "Avatar" de James Cameron est un film sur la paix. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]
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Je voulais aller plus loin que quiconque. "Avatar", pour l'essentiel, est un film hyper-technologique, poussé très loin sur ce terrain, sur un sujet qui lui, est très low tech: notre relation à la nature!

James Cameron en 2009 dans le making-of du film

Chapitre 4
L'invention de tout un univers

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP - Pandora, l'univers du film "Avatar" de James Cameron.

Sur Pandora, la nature est luxuriante. James Cameron veut que sa planète soit probable. Plantes, animaux, tout est minutieusement étudié. On s'adresse à des biologistes, à des mycologues, des spécialistes des fonds-marins.

Comme Pandora a une atmosphère différente de la nôtre, avec moins de gravité, les arbres ont la possibilité de devenir gigantesques. Ils peuvent même développer d'autres caractéristiques comme la bioluminescence.

La nature terrestre est, pour "Avatar", une formidable source d'inspiration. Les grenouilles poison avec leurs couleurs vives, les poissons, les limaces de mer, tous ces animaux sont extrêmement colorés, flamboyants et ils vont donner une tonalité fantastique, voire fantasmagorique à Pandora.

Reste à créer les habitants de cette planète: les Na'Vis. Selon le réalisateur, "ces êtres représentent en quelque sorte une version supérieure de nous-même, ou une version ambitieuse, ce que nous aimerions penser que nous sommes".

Neytiri, une Na'vi dans le film "Avatar" de James Cameron. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]
Neytiri, une Na'vi dans le film "Avatar" de James Cameron. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]

"Je voulais que mon personnage principal devienne l'étranger sur une terre étrangère, devienne l'alien. Donc c'est un humain dans un corps d'alien tentant de s'intégrer dans un groupe, une société, et je tenais à cette idée de Jake tentant d'apprendre l'autre culture. Et évidemment, la première clé, c'est la langue", explique James Cameron.

Le réalisateur fait appel à Paul Frommer, un ethnolinguiste. Son rôle est d'inventer une langue exotique, mais pas trop pour que les acteurs puissent la prononcer et la rendre crédible.

Pour "Avatar", Paul Frommer invente 2200 mots, des règles de grammaire. Les dialogues sont écrits dans cette langue. Les acteurs les apprennent en phonétique.

Sam Worthington, Michelle Rodriguez,  Sigourney Weaver et Joel David Moore dans le film "Avatar" de James Cameron. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]
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On crée également la façon de marcher des Na'Vis, humaine, mais aussi animale. Les acteurs apprennent à danser, à marcher, ramper, monter à cheval. Deux instructeurs de l'équipe olympique de tir à l'arc viennent les aider à devenir des archers.

Même si le film est en grande partie virtuel, il se calque sur les mouvements et les expressions d'acteurs en chair et en os.

Au casting, on trouve notamment Sigourney Weaver et CCH Pounder, mais aussi des acteurs méconnus, Sam Worthington et Zoé Saldana, que James Cameron choisit pour incarner les deux héros de son film.

Pour plus de réalisme, James Cameron emmène ses acteurs dans la forêt tropicale, à Hawaï, en camp de survie. Là-bas, ils font l'expérience de la boue, des pluies, de la nature hostile, des insectes. Ils apprennent à boire dans les feuilles, à griller des fruits, à marcher pieds nus et à nager en pleine nature. Toute cette expérience doit nourrir le tournage qui doit avoir lieu en studio.

James Cameron sur le tournage de son film "Avatar". [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]
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Je pousse les gens à donner le meilleur d'eux-mêmes. Et cela s'applique aussi à moi. Si je reviens à la maison après une journée de tournage et que mes mains ne sont pas noires, je pense que c'est un jour de gâché.

James Cameron dans le making-of du film

Chapitre 5
Quatre ans de travail

AFP - Archives du 7eme Art / Photo12

"Avatar", ce sont quatre mois de tournage répartis entre 2007 et 2009. Le tournage commence en avril 2007 à Los Angeles puis à Wellington, en Nouvelle-Zélande, dans les studios de Peter Jackson.

James Cameron décrit le film comme un hybride avec des scènes tournées de façon classique et d'autres avec des personnages et un environnement générés par ordinateur: "Idéalement l'audience n'aura aucune idée de ce qu'elle est en train de regarder."

James Cameron et Sam Worthington sur le tournage du film "Avatar". [Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP - MARK FELLMAN / TWENTIETH CENTURY]
James Cameron et Sam Worthington sur le tournage du film "Avatar". [Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP - MARK FELLMAN / TWENTIETH CENTURY]

Le film se compose d'environ 60% d'images de synthèse et 40% de scènes tournées avec des maquettes miniatures traditionnelles ou de l'animation image par image.

Et puis, il y a cette technologie de la capture de mouvement. Une technologie que l'on connaît bien maintenant mais qui était révolutionnaire il y a un peu plus de 10 ans. Elle consiste à filmer les acteurs sur écran vert. Ils ont sur le corps des points de capture dont on se sert ensuite pour modéliser leur image virtuelle.

Une scène du film "Avatar" de James Cameron sorti en 2009. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]
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"L'idée que j'avais depuis longtemps était de mettre une caméra directement sur la tête des acteurs. Donc on a élaboré quelque chose avec les ingénieurs et l'équipe est arrivée avec un casque en fibre de carbone avec une caméra sur un trépied, juste devant le visage de l'acteur", explique James Cameron.

Le réalisateur Rob Legato conçoit spécialement pour James Cameron un système de caméra virtuelle appelée "Director Centric System". Une caméra qui permet au réalisateur de se projeter et de visualiser en temps réel les personnages en images de synthèse créés à partir des données provenant de ses comédiens lors de la capture de mouvement.

Chapitre 6
Un film et un réalisateur attendus au tournant

AFP - Archives du 7eme Art / Photo12

Après "Titanic" et ses 11 Oscars, James Cameron était monté sur scène pour dire: "Je suis le roi du monde". Après quoi il disparaît un peu du monde du cinéma hollywoodien pour se consacrer à des documentaires. Dire qu'il était attendu au tournant est un euphémisme.

Le buzz autour de son film "Avatar" va éclater avant même sa sortie et va permettre un essor fulgurant, une attente impatiente, une ruée dans les salles de cinéma et sur les produits dérivés. Car l'omerta qui entoure le film, son tournage, est totale. Aucune image ne filtre. On connaît seulement le casting et une brève ligne sur l'histoire. Trois ans plus tard, toujours aucune image.

Les rumeurs les plus folles se répandent, entretenues par James Cameron en personne. On murmure que le film coûterait trop cher, ce qui est vrai, que la Fox a failli jeter l'éponge, ce qui est vrai aussi, que Disney s'était mis en lice, vrai aussi, et que si on ne voit rien, c'est que les effets spéciaux sont nuls ou ne marcheront jamais. Ça, c'est faux.

En 2009, tout s'accélère. Un fan mexicain du réalisateur farfouille le web et finit par dénicher deux illustrations d"Avatar" qu'il poste aussitôt en ligne. La toile s'embrase. Le 14 août 2009, la Fox publie la première photo officielle du film. Suit une bande-annonce vivement critiquée. Un torrent de haine déferle. Le 20 août, certains journalistes et VIP ont droit à une mini-séance de 20 minutes. Ils en sortent époustouflés. Le monde du cinéma frémit d'avance face à ce film qui a un pied dans le futur et un pied dans le passé.

Une scène du film "Avatar" de James Cameron. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]
[AFP - Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP]

Le film résume 100 ans de cinéma américain, fusionnant le western classique, la science-fiction, la japanimation. [...] Cameron réinvente son cinéma et le cinéma en général dans une oeuvre profondément stupéfiante qui fait ressembler ces réalisations passées à ce qu'elles sont: des films d'un autre siècle.

David Fakrakian dans un livre consacré à James Cameron

Chapitre 7
Une histoire universelle auréolée de succès

AFP - Alberto Rodriguez

"Avatar" sort en décembre 2009 et partout, ce sont des records d'audience. Certains vont revoir le film plusieurs fois, fascinés par l'univers. D'autres se contentent d'une version 2D puis 3D.

Pour Gianni Havery, professeur de sociologie de l'image à Lausanne, cette histoire d'extraterrestres colonisés par des humains assoiffés de pouvoir puise sa force dans la simplicité du récit: "'Avatar' respecte le pacte que les films à gros budget instaurent implicitement avec le public. Le héros, qui prend parti pour les extraterrestres, un méchant, une histoire d'amour, de l'action et une fin heureuse. A aucun moment, on ne trahit les attentes du spectateur."

La critique est quasi unanime. Il y a bien quelques râleurs, quelques accusations de plagiat. Mais il n'y a rien à plagier, c'est une histoire universelle.

>> A écouter: l'émission "Travelling" consacrée au film :

Une scène de "Avatar" (2009) de James Cameron. [AFP - Archives du 7eme Art / Photo12]AFP - Archives du 7eme Art / Photo12
Travelling - Publié le 10 août 2023

Un jeu vidéo est développé dans la foulée. Des livres paraissent, détaillant la nature de Pandora. On crée des figurines, on s'associe à McDonald's pour les distribuer dans les Happy Meals.

Et les récompenses pleuvent. Aux Oscars 2010, le film gagne notamment l'oscar de la meilleure photographie et des meilleurs effets spéciaux. Normal.

Auréolé du succès de son film, James Cameron prévient que d'autres suivront. "Avatar 2: la voie de l'eau" est d'ailleurs sorti en décembre 2022.

>> A lire aussi : "Avatar 2: la voie de l'eau", un réalisme numérique d'une richesse inouïe

"Avatar" est sans nul doute le film de science-fiction qui a propulsé le cinéma dans une nouvelle ère, mais est aussi indéniablement une fable écologique qui fait écho aux préoccupations écologiques et climatiques actuelles.

"Dans les 50 prochaines années, explique James Cameron, le moment de rendre des comptes viendra. Nous devrons changer nos comportements ou nous allons avoir des problèmes sérieux. Nous ne pouvons continuer à proliférer, à augmenter notre consommation d'énergie ou de nourriture à dégrader notre environnement. Ce sont des choses qui m'importent non seulement en tant que réalisateur mais en tant que citoyen. Le but d''Avatar' est de vous faire réaliser que notre monde est fragile et de vous sensibiliser."